SANTEPesticides: Vivre à la campagne, vraiment meilleur pour la santé?

Exposition aux pesticides: Vivre à la campagne est-il vraiment meilleur pour la santé?

SANTEPour les personnes qui vivent ou travaillent dans des zones exposées aux pesticides, d es risques sanitaires existent...
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

Gaz d’échappement, particules fines, bref, pollution atmosphérique : le milieu urbain ne vend pas vraiment du rêve en termes de mode de vie sain. Pour autant, prendre la clé des champs pour vivre à la campagne n’est peut-être pas aussi bon pour la santé qu’on pourrait le croire. Le documentaire Cash Investigation, produits chimiques, nos enfants en danger met ainsi en lumière les risques sanitaires liés à une exposition aux pesticides. Or chaque année, près de 100.000 tonnes de pesticides classés dangereux ou potentiellement dangereux sont utilisées en France, avec un impact direct sur la santé, notamment celle des enfants.

Des pesticides partout

Pas besoin de chercher bien loin, les pesticides sont partout : dans nos assiettes, dans l’eau du robinet et aussi dans le vin. « Tout le monde est concerné par l’exposition alimentaire aux pesticides, d’ailleurs l’Anses l’a démontré », rappelle Cécile Chevrier, chargée de recherches à l’Inserm et coauteure d’une étude sur l’impact de l’exposition aux insecticides sur les enfants.

Ces pesticides sont aussi présents dans l’air que l’on respire. En première ligne : les travailleurs agricoles, mais aussi les riverains et leurs enfants, dont les maisons et les écoles se trouvent en bordure de champs ou de vignes traités aux pesticides. En mai 2014, 23 élèves de l’école élémentaire de Villeneuve (Gironde) avaient été hospitalisés après un épandage réalisé sur les vignes jouxtant l’établissement.

« Les pesticides sont pour les riverains une source d’anxiété qui les empêche de vivre pleinement. Certains se plaignent de ne plus pouvoir sortir de chez eux », rapporte François Veillerette, directeur général de l’association Générations futures. En Seine-Maritime, la famille Renaud a dû s’adapter lorsque les prairies qui bordaient sa maison ont été converties en champs. « A chaque épandage, hors de question pour nous d’être dehors. Désormais, nous vivons fenêtres fermées et nous avons renoncé à faire pousser nos fruits et légumes sur notre propriété », témoigne Vessela, la mère de famille.

Des risques sanitaires élevés

Et pour cause, parmi les pesticides utilisés par les agriculteurs et viticulteurs, certaines molécules sont cancérigènes, neurotoxiques ou comptent parmi les perturbateurs endocriniens. Pour les personnes exposées à ces produits, les risques sanitaires sont élevés. « L’exposition aux pesticides augmente les risques de cancers, notamment chez l’enfant, et de malformations et d’autisme chez les enfants à naître », indique François Veillerette.

« On a relevé chez les travailleurs agricoles certains risques de cancer, confirme Cécile Chevrier, ainsi que des risques de maladies neurodégénératives et des problèmes de fertilité ». Autant de dangers qui pèsent potentiellement sur ceux qui habitent dans ces zones exposées. « Un jour, un agriculteur voisin a traité son champ alors que j’étais dans mon jardin. Le jour même j’ai eu de violents maux de tête, ainsi que des vertiges pendant plusieurs semaines », se souvient Vessela.

« On a le sentiment qu’on nous empoisonne »

Parmi les insecticides utilisés les plus dangereux figure le chlorpyriphos-éthyl, dont Stéphane Le Foll mesurait lundi la dangerosité : « Je l’ai dit que si l’on ne faisait rien c’était une bombe à retardement ». Mais cette bombe, la famille Renaud n’attendra pas qu’elle explose. « On est écœurés, on a le sentiment qu’on nous empoisonne en toute impunité, déplore la mère de famille. Si la législation n’évolue pas, nous déménagerons, les risques de cancer ou de problèmes hormonaux sont trop importants, nous devons préserver la santé de nos enfants avant tout ».

Un cas loin d’être isolé. « Des riverains nous contactent pour savoir s’ils doivent ou non continuer à vire à la campagne », renchérit François Veillerette. Pour Vessela, cela ne fait aucun doute, « il y a beaucoup moins de risques d’exposition en ville. Ici en cas d’épandage, l’air est irrespirable, il brûle les poumons ».

Si le ministre de l’Agriculture a rappelé l’objectif du plan Ecophyto 2 de réduire de 50 % l’usage de produits phytosanitaires d’ici 2025, des mesures de précaution permettraient aussi de réduire les risques. « Il existe des zones tampons, notamment pour les nappes phréatiques, dans lesquelles l’épandage de pesticides est interdit. Il faudrait les étendre aux écoles et aux zones d’habitation », recommandent de concert François Veillerette et Cécile Chevrier.

Pour l’heure, la France reste le plus gros consommateur de pesticides en Europe.