Essai thérapeutique à Rennes: Le protocole du test pointé du doigt
ACCIDENT•Après la mort d’un volontaire et l’hospitalisation de 5 autres, trois enquêtes parallèles sont actuellement menées…R.S.
En attendant les premières conclusions de la triple enquête menée conjointement par l’Agence nationale de sécurité et du médicament (ANSM), l’inspection générale des affaires sociales (Igas) et la police, certains éléments sur le protocole du test thérapeutique qui a mal tourné à Rennes, ont été dévoilés dans Le Figaro. Avant que l’ANSM elle-même publie le document. Dimanche dernier, un volontaire est décédé après avoir testé une molécule du laboratoire portugais Bial. 5 autres patients ont été hospitalisés au CHU de Rennes avec des risques de séquelles cérébrales avancées.
Ce protocole a été autorisé le 26 juin 2015 par l’ANSM et approuvé par le Comité de protection des personnes (CPP) le 3 juillet 2015. Il décrit les conditions et l’encadrement de l’essai réalisé dans le centre de recherche Biotrial. Soumis à trois experts, la lecture du protocole en question laisse apparaître quelques interrogations quant au sérieux de l’essai. L’un des spécialistes dénonce un « un protocole assez compliqué qui est en réalité une succession d’études. Dans la première, chaque sujet reçoit une seule dose, dans la seconde, les mêmes sujets reçoivent une autre dose tous les jours pendant 10 jours, et l’articulation entre les deux n’est pas claire : on peut commencer la seconde étude avant même la fin de la première ».
Une prise de risque dans les délais
Les compétences du patron de la recherche clinique de Bial sont aussi remises en cause. Selon le document, José Francisco Rocha ne serait titulaire que d’un « Bachelor of Science », ce qui équivaut à un bac + 3. Un peu léger pour les experts. Ils dénoncent aussi une prise de risque dans les délais observés pour traiter les patients en fonction des 8 paliers de dosages différents (de 0,25mg à 100mg) du médicament. Le document indique que les sujets n’étaient pas traités simultanément : un premier volontaire était traité et les autres l’étaient 24 heures après. « Ce délai est un sérieux pari », note l’un des experts, estimant qu’une molécule peut avoir un effet sur l’organisme 72h après avoir été ingérée.
Enfin, une dernière zone d’ombre concerne l’absence de publication de la phase préclinique de tests sur les animaux. L’ANSM indique qu’elle s’est vu refuser par le laboratoire Bial, « au nom de la protection du secret industriel couvert en droit français par l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration », la publication de deux autres documents dont celui-là. En l’état, le protocole de Bial donne « le sentiment que le laboratoire a voulu gagner du temps et passer en phase 2 directement », observe l’un des spécialistes.