Médicaments: Quand les ruptures d’approvisionnement mettent en péril la santé des patients
PHARMACIES•Alors que 150 médicaments manquent en rayons, cette question représente un grave problème de santé publique…Romain Scotto
Un hiver ne serait pas un hiver sans son lot de rhumes, gastros, bronchites et grippes. A la première quinte de toux, la première gougoutte au bout du nez, vos pas vous conduiront vers votre pharmacien de quartier. Seulement depuis plusieurs années, des problèmes d’approvisionnement sont régulièrement relevés par les professionnels de santé. « Les ruptures, c’est un vrai problème. Il faut trouver des solutions pour que le patient ait accès à ses médicaments à tout moment », avertit la présidente de l’ordre des pharmaciens, Isabelle Adenot.
Depuis sept ans, le problème semble récurrent dans les 22.000 officines françaises. A titre indicatif, 167 médicaments étaient en pénurie en août dernier selon les derniers chiffres de l’Ordre. 170 au mois de novembre. Pour ce dernier mois, la durée moyenne des ruptures était de 53 jours. Parmi les produits manquants figurent notamment 9,9 % des vaccins. Un comble en pleine campagne de vaccination contre la grippe, et de lutte du Ministère contre le « vaccino-scepticisme » ambiant.
Des dysfonctionnements au niveau de la chaîne de production
Dans le détail, les médicaments pour les systèmes nerveux et cardiovasculaire sont les plus touchés. Juste derrière figurent les traitements dermatologiques et les ceux des voies digestives (voir tableau ci-dessous). Les raisons de ces ruptures de stocks sont multiples mais elles émanent principalement de dysfonctionnements au niveau de la chaîne de production. La concentration économique pousse les industriels à regrouper les lieux de fabrication. A titre d’exemple, seules trois usines produisent du paracétamol dans le monde. « Imaginez les conséquences d’une explosion, un tremblement de terre, sur l’une d’elle », dramatise Isabelle Adenot, tout en évoquant un problème de santé publique majeur.
Dans les faits, trois situations sont déjà observées. En cas de rupture, 17 % des malades sont contraints de reporter leur traitement. 11 % trouvent avec leur praticien un traitement de substitution, moins efficace. Plus grave encore : 11 % ne se soignent pas du tout. « Les conséquences sont parfois très graves », enchaîne la cheffe de file des pharmaciens puisqu’un tiers des malades observent des dégâts pour leur santé. L’Ordre n’a cependant pas eu la connaissance de cas mortels imputables à ces ruptures de stocks.
Ces deniers mois, des opérations ont déjà été décalées en milieu hospitalier, faute d’anesthésiants. Des patients souffrant de syphilis (Extencilline) d’épilepsie (Di-Hydan), de gale (Ascabiol), d’hypertension artérielle (Revatio) ont aussi été confrontés à la pénurie. Pour résoudre le problème, la loi Santé prévoit quelques aménagements majeurs (voir l’article 36). La notion de « médicament d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) » a été instaurée pour protéger ces produits des fluctuations économiques du marché. Un système informatique baptisé « DP-Rupture » est également en cours d’installation dans les officines pour servir d’alerte et mieux prévoir les pénuries.