Santé en France: Désertification médicale, urgences engorgées... Pourquoi le système souffre
DOCUMENTAIRE•« La santé en France – enquête sur les inégalités » est diffusé ce lundi soir sur France 3 en partenariat avec 20 Minutes...Anissa Boumediene
Sur le papier, la France aurait l’un des meilleurs systèmes de santé du monde : chacun est censé recevoir les mêmes soins, qu’il vive en ville ou la campagne, qu’il soit cadre ou ouvrier, riche ou pauvre. Mais en pratique, déserts médicaux, précarité sociale et services d’urgences engorgés mettent à mal ce modèle. Ce lundi à 20 h 50 sur France 3, le documentaire « La santé en France – enquête sur les inégalités », dont 20 Minutes est partenaire, pointe les dysfonctionnements d’une machine à la mécanique grippée.
Déserts médicaux aux portes des villes
C’est l’une des problématiques majeures en matière de santé : les déserts médicaux, ces parties du territoire où trouver un médecin généraliste ou un spécialiste est peine perdue. Si on les imagine à juste titre dans les zones rurales, des villages de quelques centaines d’âmes où le médecin parti à la retraite n’a pas trouvé de remplaçant, les déserts médicaux sont aujourd’hui aux portes des villes.
« Depuis vingt ans, les plus précaires sont repoussés en marge des grandes villes. Cette enquête montre que les inégalités sont avant tout sociales et économiques et se recoupent avec les inégalités territoriales », note Hugues Nancy, coréalisateur du documentaire. « A trois stations de RER près, on n’a pas le même accès aux soins. Il y a plus de 20 généralistes et 70 spécialistes pour 10.000 habitants près du jardin du Luxembourg (Paris 6e) alors qu’il y en a 10 à 12 fois moins à Bobigny (Seine-Saint-Denis) », abonde Emmanuel Vigneron, géographe de la santé. « Or, ajoute-t-il, on ne peut pas accepter qu’il y ait de tels écarts dans l’offre de santé, donc dans l’état de santé des populations. »
Si Paris est bien pourvue en médecins, la Seine-Saint-Denis est un désert médical. - (c) YAMI 2 PRODUCTIONS
L’hôpital à « bout de souffle »
Faute de pouvoir aller chez le médecin, les plus précaires se rendent donc aux urgences. « En vingt ans, le nombre de passages aux urgences a doublé », indique Hugues Nancy, coréalisateur du documentaire. « Les gens ne viennent pas aux urgences pour rien, ils viennent parce qu’ils ont besoin de voir un médecin mais n’y ont pas accès, ou ne peuvent pas avancer les frais de consultation », précise Christophe Prudhomme, porte-parole de l’association des médecins urgentistes hospitaliers de France (Amuf).
Une situation qui ne peut plus durer. « On reçoit des injonctions contraires : on nous demande de répondre à tous les dysfonctionnements du système de santé tout en faisant des économies et en ayant moins de personnel, déplore-t-il. Et ça nous épuise. L’hôpital est à bout de souffle. » D’autant que cette configuration « entraîne notamment une défaillance du système de prévention et de dépistage des cancers. Des gens pauvres, qui n’ont pas accès à une médecine de proximité, se voient diagnostiquer des cancers en phase terminale en se rendant aux urgences pour des difficultés respiratoires », illustre Hugues Nancy.
« Faire le deuil d’un modèle révolu »
« On a un gros problème de répartition des médecins de ville, qui ne sont pas là où on en a le plus besoin. Dans les campagnes comme en milieu périurbain, il y a très peu de candidats », estime Emmanuel Vigneron. Pour certains, l’une des solutions serait de remettre en cause le principe de liberté d’installation des médecins généralistes. « Comme pour les enseignants en début de carrière, les médecins devraient être affectés là où il y a un manque », recommande Hugues Nancy.
« La France doit faire le deuil d’un modèle révolu. Il n’y aura plus, comme avant, un médecin dans chaque village », avertit Claude Le Pen, économiste de la santé. « Il faut développer des structures intermédiaires, entre le cabinet médical et l’hôpital », prescrit-il. A l’instar des centres de santé pluridisciplinaires, qui « regroupent au même endroit des professionnels de santé, du généraliste à la sage-femme en passant par le psychologue, et qui sont salariés par les collectivités ou par l’Etat », décrit Emmanuel Vigneron.
Pour autant, même si « le système de soins français n’est pas parfait, il reste très bon, tempère Hugues Nancy. Il est innovant et le plus égalitaire possible. Mais il faut aussi savoir lancer des signaux d’alerte. »
20 Minutes est partenaire du documentaire diffusé lundi à 20 h 50 sur France 3.
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