« Avant la greffe, même me coiffer m’essoufflait »
INTERVIEW•Sabrina, atteinte de la mucoviscidose, nous raconte son quotidien après une greffe des poumons…Propos recueillis par Audrey Chauvet
Inspirer, expirer : le bonheur de Sabrina est aussi simple que ça. Atteinte de la mucoviscidose, la jeune femme de 34 ans a été greffée il y a huit ans des deux poumons. Une greffe très délicate qui ne concerne encore que 300 personnes par an en France. Pour Sabrina, la vie a changé après avoir retrouvé une respiration normale. A l’occasion des Virades de l’espoir ce dimanche, elle nous raconte son quotidien depuis sa greffe.
Qu’est-ce qui a changé pour vous depuis votre greffe ?
Tout a changé ! Avant, j’avais à peu près six heures de soins par jour en clinique avec des aérosols, des perfusions et des médicaments. Quand on a un organe qui marche mal, on se rend compte à quel point le souffle est important. Avant la greffe, même me coiffer m’essoufflait, j’ai du me faire couper les cheveux. On ne peut pas avoir une vie normale et comme on est fatigué, on n’a pas envie de faire ses soins. Grâce à ma greffe il y a huit ans, je suis passée de 13 % à 103 % de souffle selon les calculs des médecins. Mais je sais que la greffe ne guérit pas la mucoviscidose et que si un jour ça ne marche plus, je meurs.
Cela vous permet de vivre comme tout le monde aujourd’hui ?
Ma vie a littéralement changé. J’ai repris quinze kilos, je refais du sport, je m’occupe de mon petit garçon, je fais mon métier, je ne respire plus avec des machines… J’ai encore des hauts et des bas car j’ai peu de défenses immunitaires, et je dois être suivie régulièrement par les médecins, mais ça n’a rien à voir avec la vie que je menais avant.
En quoi consiste votre suivi médical ?
Je suis un traitement médicamenteux à vie pour éviter le rejet de greffe sinon je peux mourir. A l’hôpital, je dois toujours faire contrôler mon souffle et mon pouls, et tous les organes une fois par trimestre. Il m’est arrivé en période d’infection de devoir être remise sous perfusion, notamment lors de deux épisodes de bronchite un peu critiques, parce que je dois être traitée tout de suite et très fort.
La greffe des poumons est très délicate, comment cela s’est passé pour vous ?
On m’avait dit que je devrais attendre entre un et six mois avant de trouver un greffon, j’ai attendu plus longtemps, 11 mois, mais ensuite j’ai eu un beau scénario de greffe. J’étais sur une émission de télévision avec Grégory Lemarchal quand on m’a appelée. Je suis partie à l’hôpital et après 11h d’intervention je me suis réveillée. Finalement, ça me traumatise plus quand je fais une rage de dents que pour ma greffe !
Comment s’est passée votre maternité ?
Mon fils a douze ans, je l’ai eu avant la greffe. On a peur de la grossesse car le gros ventre diminue la capacité respiratoire mais j’avais un tel désir d’enfant que le mental a fait beaucoup de choses. Le plus compliqué a été la canicule car j’étais enceinte en 2003, j’étais couchée et je n’arrivais plus à m’alimenter comme il faut, en partie à cause de la chaleur. On m’amenait un bœuf bourguignon par 40°C pour que je prenne des forces alors que j’avais envie d’une pomme ! J’ai donc perdu beaucoup de poids et j’ai accouché à huit mois à cause de ça. J’ai eu un accouchement digne d’un spectacle : 14 personnes étaient dans la salle tellement tout le monde flippait ! Mais j’en garde un très bon souvenir.
Aujourd’hui, votre fils est au courant de votre maladie ?
Bien sûr. Il est né avec une maman qui toussait, crachait, s’étouffait devant lui. Je lui ai tout expliqué avec des mots simples. Aujourd’hui, il est inquiet mais ne manque pas de joie de vivre. Il sait qu’il a une maman un peu plus fragile que les autres et il est capable de dire « Il ne faut pas fatiguer maman ou qu’elle attrape froid » ou de me demander à 19h tapantes si j’ai pris mes médicaments.
Comment voyez-vous votre avenir ?
Aujourd’hui, on a de l’espoir pour les malades de la mucoviscidose, car on parvient à allonger leur espérance de vie. Dans mon cas, c’est la greffe qui déterminera mon avenir : il faut prévenir les rejets chroniques en améliorant les traitements. Quand on vous greffe, on remplace un espoir par un autre. Mais aujourd’hui, je sais que je peux vivre un an, dix ans, vingt ans peut-être…