Les insectes, une nourriture d'avenir pas sans risque pour la santé
CONSOMMATION•L'Anses a rendu ce jeudi un avis soulignant les lacunes de la recherche sur l'élevage d'insectes à grande échelle...Nicolas Bégasse
La consommation d’insectes a le vent en poupe. On ne le constate pas forcément au quotidien, mais les experts prévoient une augmentation de l’attrait du public, et surtout des industriels, pour la nourriture à base de bestioles à six pattes. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a même préconisé de se lancer dans l’élevage à grande échelle pour nourrir les 9 milliards d’êtres humains qui peupleront la Terre d’ici à 2030.
Problème: l’élevage d’insectes, en France, on ne connaît pas vraiment. Voilà pourquoi l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses) s’est autosaisie l’an dernier, avec comme objectif de faire le point sur ce qu’on sait –et ce qu’on ignore- sur les insectes en tant que nourriture. «On s’est rendu compte qu’il n’y avait aucun état des lieux de l’ensemble des connaissances scientifiques sur les risques sanitaires liés à la consommation d’insectes», indique Stéphane Larréché, responsable de l’évaluation des risques biologiques dans les aliments à l’Anses et coordinateur du projet dont les résultats ont été présentés ce jeudi.
Gare aux allergies
Cet état des lieux, l’Anses l’a fait, et il n’est pas brillant. «Notre recherche a clairement mis en évidence un ensemble de lacunes à combler pour s’assurer d’une production maîtrisée et saine d’aliments à base d’insectes», explique le responsable de l’agence. A par exemple été mis en évidence un «risque allergique réel» pour l’homme: les insectes possédant les mêmes allergènes que les mollusques, les crustacés ou les acariens, les personnes allergiques doivent être particulièrement vigilantes.
Les lacunes des connaissances scientifiques sont vastes: les élevages d’insectes sont une réalité, même en France, mais ils restent marginaux. Si la production était amenée à se démocratiser, il faudrait mettre au point des normes précises sur la reproduction, l’alimentation et l’abattage des insectes, pour être sûr qu’un produit final sain est proposé au consommateur. On n’a même pas encore de consensus sur quelles espèces d’insectes élever pour la consommation humaine, même si quelques favoris sortent déjà du lot, comme le ver de farine, la mouche soldat ou le criquet. «On n’a pas encore toutes les clés pour choisir», souligne Stéphane Larréché, qui est catégorique: le développement de l’élevage d’insectes est tout à fait envisageable, mais il faut approfondir les recherches avant de se lancer.
Sciences sociales... et éthique
Des recherches qui ne doivent pas concerner que l’aspect sanitaire de l’élevage d’insectes. Les sciences sociales devraient aussi s’y intéresser, «pour savoir comment le consommateur perçoit le fait de manger des insectes directement, ou indirectement en consommant des animaux nourris avec des insectes», précise l’expert de l’Anses. Sans oublier l’éthique: le bien-être des vaches, porcs et autres est pris en compte dans l’élevage, «ne pas s’intéresser au bien-être de ces animaux-là paraîtrait surprenant», relève Stéphane Larréché. Les insectes, du bétail comme les autres?