«On peut toujours craindre une épidémie de rougeole en France»
INTERVIEW•Après le décès d'un enfant atteint de la rougeole en Allemagne, le Pr Astrid Vabret, responsable du Centre national de référence de la rougeole fait le point sur le risque épidémique en France...Delphine Bancaud
L’inquiétude augmente. Un enfant de 18 mois atteint de la rougeole est mort mercredi à Berlin, première victime de l'épidémie qui frappe la capitale allemande depuis l'automne. Et aux Etats-Unis, en Californie, 59 cas de rougeole ont été recensés depuis la fin décembre. Le Pr Astrid Vabret, responsable du Centre national de référence de la rougeole et chef de service de virologie au CHU de Caen (Calvados) fait le point sur le risque épidémique en France.
Faut-il craindre une épidémie de rougeole en France?
Oui, on peut toujours la craindre tant que des personnes sont susceptibles de l’attraper, faute d'être vaccinées. On ne peut pas relâcher la garde. Selon l’Institut de veille sanitaire, 15.000 cas ont été notifiés en 2011. Leur nombre a ensuite chuté en 2012 et 2013 (859 et 259 cas déclarés). Mais le virus circule toujours: en 2014, il y a eu 267 cas déclarés, dont près de la moitié en Bretagne. Et ces chiffres sont sous estimés, car il ne s’agit que de cas déclarés. On peut donc dire qu’environ 500 personnes ont été atteintes par la rougeole l’an dernier.
Comment se transmet-elle?
Essentiellement par voie aérienne, c’est pour cela qu’elle est très contagieuse. Le patient est contagieux cinq jours avant l'éruption cutanée et cinq jours après. Une seule personne atteinte peut ainsi en contaminer 15 à 20.
Qui sont les personnes les plus vulnérables face à cette maladie?
Les enfants et les personnes immunodéprimées (atteintes d’un cancer ou greffées par exemple). Cette maladie peut entraîner des complications pulmonaires et plus rarement neurologiques et peut dans certains cas conduire à la mort. Sur les 15.000 cas déclarés en 2011, 10 personnes sont décédées.
Quelle est la couverture vaccinale pour cette maladie en France?
Elle oscille entre 85 et 90% à la première dose. Or, il faut deux doses pour être protégé à vie (une effectuée à 1 an, l’autre entre 16 et 18 mois). Et pour éviter la survenue d’une épidémie, il faudrait que 95% de la population soit vaccinée.
Comment expliquer cette méfiance face au vaccin?
Certains Français ont développé une véritable résistance face à la vaccination pour des raisons plus ou moins rationnelles. Certains craignent d’éventuels effets secondaires et pensent que la balance bénéfices/risques penche plus vers les seconds que les premiers. Alors qu’il est clairement démontré que les bénéfices sont supérieurs aux risques.