Grippe aviaire H5N8: Comment naît un nouveau virus
GENETIQUE•Un réassortiment génomique est à l’origine de l’apparition d’une nouvelle cellule virale…Romain Scotto
L'acte de naissance ne risque pas d’arriver en mairie. H5N8 est bien trop indésirable pour cela. Ce nouveau virus assimilé à une forme de grippe aviaire est apparu fin 2013 en Corée du Sud. Avant de s’installer dans le nord de l’Europe, forçant les autorités néerlandaises, anglaises ou allemandes à abattre les volailles de plusieurs élevages. Les scientifiques qui suivent son évolution s’attachent aujourd’hui à reconstituer toute sa généalogie, afin de mieux comprendre son pouvoir pathogène. «Le but est de reconstituer l’histoire d’un virus en remontant à l’origine de son génome. On retrouve ses contributeurs respectifs», indique Thierry Pineau, chef du département Santé animale de l'Inra.
Pour expliquer la naissance de ces êtres microscopiques, il faut se plonger dans le «chaudron» virologique que constitue un animal. Lorsque deux virus d’une origine différente infectent une même cellule, ceux-ci ont la capacité de se réassortir, se mélanger, pour former une nouvelle cellule virale, sachant qu’un virus comme H5N8 est constitué de 8 segments génomiques. «Il peut donc y avoir un nouveau virus avec un réassortiment de 8 x 2 segments des deux génomes parentaux», poursuit le spécialiste. Un tirage au sort naturel s’effectue pour former une nouvelle combinaison de 8 segments.
Le porc, plus prompt à être infecté
Deux cas de figure sont alors possibles. Soit le virus ne parvient pas à survivre dans son nouvel environnement et disparaît. Soit il acquiert d’emblée un caractère lui permettant de se multiplier chez un hôte. Pour le virologue de l'Inra, il s’agit là «d’une manière extraordinaire de créer de la biodiversité. La sélection naturelle fait qu’un nouveau variant viral émerge». Certains animaux comme le porc sont d’ailleurs plus prompts à être co-infectés par des virus d’origines différentes, notamment humaine et aviaire.
En prenant l’exemple de H5N8, dont la pathogénicité pour l’homme n’est pas avérée, les scientifiques ont observé 4 segments génomiques issus d’un virus connu depuis 2010 en Asie. Un autre issu d’un segment de H5N1, la forme la plus connue de grippe aviaire. Et de trois autres segments non connus. Ce travail d’analyse est capital pour les chercheurs en «biologie prédictive». Une spécialité qui vise à anticiper la dangerosité des virus. Des banques de données sont d’ailleurs constituées dans les laboratoires confinés où des virus sont artificiellement créés.
Mieux se préparer aux attaques virales
«Quand il y a une émergence, on doit être capable de dire que tel segment apparaît dans la constellation d’un virus pathogène. Il faut identifier la virulence et la capacité d’adaptation du virus», poursuit Bernard Delmas, chef de l'unité Inra de «virologie et immunologie nucléaires». A terme, l’objectif est de savoir à quels types d’hôtes – surtout l’homme – les nouveaux virus sont adaptés. Le jour où ces cellules potentiellement ravageuses seront observées dans la nature, l’homme sera peut-être ainsi mieux préparé à les éradiquer.