Ebola: «Nous avons répété les gestes de sécurité des centaines de fois»
REPORTAGE•Avant de décoller pour le centre de traitement Ebola de Macenta en Guinée, douze urgentistes de l’EPRUS (Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires) ont vécu leur dernière journée de formation…Romain Lescurieux
«Gants, masque, surchaussures, un autre masque, une cagoule.» David, 37 ans, décortique méticuleusement tous ses mouvements, en enfilant les éléments de sa combinaison, sous les yeux attentifs de son binôme. Ce lundi, au milieu du hangar des véhicules du Samu de l’hôpital Henri Mondor (Créteil), ils sont douze à vivre leur dernière journée de formation Ebola, entre ultimes interrogations et adrénaline.
«Nous avons répété les gestes de sécurité des centaines de fois. Ils sont devenus des automatismes», lâche l’infirmier, derrière son masque. «Il faut communiquer avec son binôme et être rigoureux, car aucun centimètre de peau ne doit dépasser», poursuit-il. «Nous avons hâte de partir sur le terrain», sourit de son côté, Michel, 54 ans.
Derniers réglages
Demain, ces urgentistes de l’EPRUS (Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires) s’envolent pour le centre de traitement Ebola à Macenta en Guinée. Ils resteront un mois dans cet établissement ouvert la semaine dernière par la Croix-Rouge, pour prendre en charge les malades et former le personnel médical guinéen.
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«Il y a un risque mais nous sommes protégés car suffisamment formés», rassure d’emblée Jean-Yves Kerhervé, pharmacien-hygiéniste, qui sera le directeur du centre une fois sur place. En attendant, il a coordonné depuis le lundi 17 novembre, tous les jours, durant douze heures, les gestes des urgentistes. De l’habillage au déshabillage.
«La plupart des erreurs sont commises au déshabillage»
Des silhouettes blanches déambulent sur le parking. Le début de l’hiver parisien rend supportable la combinaison intégrale. Mais dès demain, la donne va changer. «La température peut monter jusqu'à 50°C dans la combi et nous ne pouvons pas nous hydrater», détaille Françoise, cadre de santé. Mesures de sécurité: boire un litre d’eau avant, un litre d’eau après, et ne jamais rester plus d’une heure dans la panoplie. Alors, chacun a ses techniques pour y faire face. «Je m’approprie au maximum ma combinaison et je travaille sur ma respiration», ajoute Françoise.
Le groupe s’entraîne d’ailleurs à gérer le malaise d’un membre du personnel médical ou encore à communiquer sans se parler. «Quand on ne sent pas bien, quel signe devons-nous faire?», demande une urgentiste. Après avoir donné le code gestuel, Olivier, encadrant, insiste: «Quand on ne sent pas bien, c’est dehors surtout». Après être passé, évidemment, par le déshabillage. Le moment où «la plupart des erreurs sont commises», mentionne Jean-Yves Kerhervé.
«Il y aura forcément un sentiment d’impuissance»
Comme lors de l’habillage, le déshabillage se fait en binôme, avec un superviseur. «C’est l’instant délicat car la peau va être découverte. Il faut être rigoureux et écouter les consignes du sprayer». Ce dernier vaporise à la javel les éléments de la combinaison qui sont ensuite jetés. «Je lui donne des ordres et je dois être ferme car il est pressé d’en finir», précise le sprayer de David. Celui-ci enlève son masque, l’entraînement est terminé.
Autour du caisson de rapatriement - en cas d’infection d’un médecin – l’homme se confie sur la mission qui l’attend. «Nous connaissons toutes les règles mais sur le terrain nous devrons aussi nous adapter à certains paramètres comme les réactions des gens», dit-il, avant de conclure : «Il y aura forcément un sentiment d’impuissance. Avec toutes les règles de sécurité, je ne pourrai pas intervenir comme je le fais en France».