Ebola: Pourquoi les malades ne sont pas égaux face au virus
EPIDEMIE•Alors que le taux de mortalité est de 55% chez les patients infectés…Romain Scotto
Dans le centre de soins de Monrovia où elle travaillait il y a encore quelques jours, Charlotte Pailliard-Turenne a vu certains patients mourir. D’autres survivre. Certains, à qui elle ne donnait que quelques heures à vivre face à la fulgurance des symptômes, s’en sont aussi remis, confirmant l’idée qu’avec le virus Ebola, le taux de survie est tout sauf une science exacte. «On n’a pas d’explication, avoue l’infirmière d’MSF, désemparée. On ne peut pas vraiment dire pourquoi certaines personnes s’en sortent mieux que d’autres.»
Pour l’instant, les scientifiques s’en tiennent au constat. Avec un peu plus de 4.033 décès sur 7.399 cas recensés par l'OMS, l’épidémie actuelle tue environ 55% des malades. A ce jour, aucune étude biologique ne donne les raisons expliquant pourquoi tel ou tel sujet survit ou non à la contamination. Des facteurs socioculturels ont juste été avancés. Le personnel hospitalier est plus exposé, donc, en proportion, plus contaminé. Tout comme les femmes, par rapport aux hommes, dans la mesure où elles s’occupent plus des malades en Afrique.
Un facteur génétique n'est pas à exclure
La crise actuelle devrait permettre aux médecins d'entreprendre des études médicales plus poussées sur le sujet. Pour Noël Tordo, responsable de l'unité stratégies antivirales à l'Institut Pasteur, l’hypothèse d’un facteur génétique n’est pas forcément à exclure: «Cela fait partie des choses qu’on va pouvoir étudier. C’est la première fois qu’on a une maladie de cette dimension qui permet de faire de la génétique.»
Comme pour toute maladie virale, l’état du système immunitaire du patient joue aussi sur sa survie. Un corps sain a toujours plus de chance de résister qu’un corps affaibli. Sur le terrain, l’infirmière a bien constaté que les enfants en bas âge, les femmes enceintes et les vieillards avaient moins de chances de survie. «Si la grippe espagnole a fait 30 millions de morts, c’est aussi parce que les gens sortaient de la guerre de 14-18, ils étaient mal-nutris, plus sensibles», poursuit Noël Tordo. La fièvre hémorragique Ebola touchant directement les molécules responsables de l’immunité cellulaire, une infection massive détruit les vaisseaux sanguins, fait chuter la tension et affecte les organes.
La charge virale en question
L’une des idées acceptées concerne aussi la précocité du traitement administré. Plus un patient entre tôt dans un centre de soins, plus il multiplie ses chances de survie. «On a sauvé des personnes que j’ai vu arriver dès l’apparition des symptômes, enchaîne Charlotte Pailliard-Turenne. On les a soulagés rapidement avec des compléments d’hydratation. Elles s’en sortaient mieux que des personnes affaiblies qui avaient lutté à la maison toutes seules.»
A l’avenir, l’un des enjeux de la recherche sera aussi d’évaluer la charge virale (la quantité de virus) qui infecte chaque personne, au-delà de laquelle un patient est condamné à mourir. Mais cela signifie qu’il faudrait effectuer des analyses dès les premières heures de la contamination. Avant même l'apparition des premiers symptômes.