EPIDEMIEVirus Ebola: Les trois clés pour expliquer l'épidémie

Virus Ebola: Les trois clés pour expliquer l'épidémie

EPIDEMIEAlors que le virus a tué 2.296 personnes en Afrique de l’ouest, l’épidémie progresse toujours…

En huit mois, Ebola est passé du stade de virus circonscrit à une zone réduite d’Afrique centrale à celui d’épidémie massive dans l’ouest du continent. Avec 2.296 décès selon le dernier bilan de l’OMS, il s’agit déjà de la plus grave fièvre hémorragique du genre. Selon les scientifiques, trois facteurs expliquent cette situation exceptionnelle…

Du retard dans la recherche. Si la communauté scientifique s’excite soudainement autour de la recherche d’un remède miracle, cela n’a pas toujours été le cas. Christian Brechot, directeur de l’institut Pasteur, reconnaît que ces dernières années, la recherche sur les fièvres hémorragiques n’a pas été considérée «comme un sujet prioritaire» parce que les épidémies précédentes étaient limitées. «Ebola n’intéressait personne. C’était 2.000 morts en 40 ans. Autant vous dire que ça ne représentait pas un marché. Il n’y avait qu’une poignée de chercheurs qui travaillaient dessus», poursuit Sylvain Baize, responsable du centre national des Fièvres hémorragiques virales. Maladie négligée, Ebola est désormais au centre d’une «compétition» entre pays. Certains scientifiques ont subitement changé d’objet d’étude. Des task forces ont été montées et l’OMS a largement assoupli les protocoles des procédures réglementaires pour que les traitements soient rapidement disponibles. Même si à ce jour, l’Afrique attend toujours.

Le virus a évolué. Ou plutôt migré. Cantonné à l’Afrique centrale depuis sa découverte en 1976, le virus responsable de l’épidémie actuelle «a échappé à son territoire habituel», poursuit Sylvain Baize, l’homme qui a mis un nom sur la souche de ce virus, au mois de mars. Il s’agit à 98 % du virus Ebola-Zaïre. Selon lui, sa migration vers l’ouest s’explique par celle des chauves-souris, réservoirs naturels du virus, ou une transmission de la maladie de proche en proche. Cette souche semble moins pathogène puisque le taux de mortalité est entre 50 et 60 % contre 80 % habituellement. Mais elle reste tout aussi contagieuse. Par ailleurs, les épidémies étaient plus courtes et moins massives auparavant, poursuit Arnaud Fontanet, responsable de l’unité d’épidémiologie des maladies émergentes à l’institut Pasteur: «L’évolution du virus est importante pour le diagnostic car la moindre mutation peut rendre un (éventuel) traitement inefficace.»

Un manque de coopération. Repérer le virus ne suffit pas à endiguer sa propagation. Dans le cas présent, la diffusion interhumaine est galopante. «Si vous n’isolez pas les malades rapidement, vous n’arrêtez pas le virus. Ajoutez à cela les rituels funéraires avec des contacts avec les corps, vous n’y arrivez pas», observe Amadou Sall, responsable de l’unité fièvres hémorragiques à Dakar. Selon lui, la gravité de la situation s’explique en partie par le «manque de collaboration de certaines communautés.» Sur le terrain, il y a eu «des résistances à coopérer. Les gens ne sont pas allés dans les centres de traitement et la chaîne de transmission s’est aggravée». D’où la réflexion née sur la stratégie à adopter en cas de future épidémie. L’orientation des populations vers les centres de soins, la sensibilisation aux règles d’hygiène, l’interdiction de certains déplacements, voire la fermeture des frontières, sont autant de mesures d’urgence dont la mise en place demande à être améliorée.