Bretagne : La vidange d’un barrage menace-t-elle la ressource en eau potable ?
Baignoire•A Rophémel, d’importants travaux doivent être menés sur la retenue d’eau obligeant à vider le lac artificiel qui fournit l’eau du robinet de RennesCamille Allain
L'essentiel
- Le barrage de Rophémel fournit un tiers de l’eau potable consommée par la vingtaine de communes d’Eau du bassin rennais.
- Souffrant du poids des années, l’ouvrage va être rénové notamment pour des travaux essentiels d’étanchéité.
- Pour mener ce chantier, un assèchement total du lac artificiel sera nécessaire à compter du mois d’avril.
C’est une immense baignoire. Un réservoir de cinq millions de mètres cubes d’eau qui fournit à lui seul un tiers de l’eau potable distribuée par la collectivité Eau du bassin rennais. Construit entre 1930 et 1938, le barrage de Rophémel avait d’abord pour but de produire de l’électricité par la force hydraulique. Racheté en 2015 par la collectivité, l’ouvrage est aujourd’hui davantage utilisé pour produire de l’eau potable que de l’énergie (lire encadré). Souffrant du poids des années, l’imposant ouvrage de béton doit absolument être retapé. « On ne peut pas parler de fuites, plutôt de migration d’eau à certains endroits », rassure Erwann Guirriec, conducteur de l’opération de rénovation pour Eau du bassin rennais. En observant les voûtes retenant les millions de tonnes d’eau, on peut constater que l’eau s’infiltre ici et là, fragilisant la structure.
Consciente du problème, la collectivité a mené de longues études avant d’opter pour la pose d’une membrane en plastique en amont de la retenue, qui, couplée à une grille drainante, permettra de régler le problème d’étanchéité sans avoir à toucher au béton. Ces travaux estimés à 13,5 millions d’euros hors taxe ne peuvent en revanche se faire que si le barrage situé à Plouasne (Côtes-d’Armor) est à sec. A compter du mois d’avril 2024, le lac artificiel sera donc entièrement vidé, comme ce fut le cas à Guerlédan en 2015. Un chantier d’ampleur qui privera la collectivité de son usine de traitement des eaux pendant neuf mois au moins. Faut-il s’en inquiéter ? « On va perdre 30 % de notre capacité de production d’eau potable donc il faudra être vigilant. Mais nous pourrons reporter une bonne partie sur l’usine de Villejean qui en a les capacités », assure Michel Demolder, président d’Eau du bassin rennais.
Et si la sécheresse venait frapper le territoire comme ce fut le cas en 2022 ? « Avec la mise en service de l’aqueduc Vilaine Atlantique, nous pourrons compter sur l’aide du Morbihan », rassure Jean Ronsin, vice-président de la collectivité. Mise en service début 2024, cette canalisation de 75 km reliant les usines d’eau potable de Rennes et d’Arzal (Morbihan) permet une solidarité entre les territoires afin d’éviter la rupture de distribution.
Des précautions pour préserver le milieu naturel
Soumise à enquête publique, la vidange du barrage de Rophémel aura également des conséquences sur la faune et la flore qui vivent au quotidien dans cet environnement sauvage. Mais pas de risque d’inondation pour autant. « L’abaissement se fera en douceur. Nous relâcherons cinq à huit mètres cubes d’eau par seconde. C’est beaucoup moins que ce qui passe lors d’une crue », assure Erwann Guirriec. Pour limiter l’impact sur le milieu naturel, la collectivité promet des mesures de précaution, notamment concernant les animaux évoluant dans le lac. Les tritons qui évoluent au pied du barrage seront délicatement déplacés vers un autre plan d’eau.
Pour les poissons, des pêches préventives auront lieu avant l’assèchement afin de limiter la mortalité des brêmes, brochets et anguilles qui nagent habituellement dans les eaux de la Rance. Lors de la dernière vidange en 1998, cette action préventive n’avait pas été menée. Dix tonnes de poissons avaient été recueillies en aval lors de l’ouverture du barrage. Deux tiers des espèces n’avaient pas survécu, chahutées par ce déversement soudain de sédiments. « On a pour objectif de faire beaucoup mieux », assure la collectivité.
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