Rennes : « C’est un rêve de gamin »… A l’école du vélo pour adultes, on n’apprend pas qu’à pédaler
APPRENTISSAGE•Adultes et enfants peuvent apprendre à rouler auprès des formateurs de la Roazhon Mobility, la seule école du vélo de Rennes
Camille Allain
L'essentiel
- A Rennes, des adultes et des enfants se forment à l’apprentissage du vélo au sein de la Roazhon Mobility, la seule école du vélo de la capitale bretonne.
- Pour ses responsables, bon nombre de personnes circulant à vélo ne savent pas réellement en faire et devraient prendre quelques cours.
- Installée dans de nouveaux locaux dans le centre-ville, l’école participe à la Fête du vélo ce samedi sur le mail Mitterrand.
C’est la première fois qu’elle vient au cours avec sa bicyclette, que ses amis lui ont offerte en 2018. Alors que l’orage gronde au-dessus de Rennes, Alma s’applique à bien manœuvrer son vélo pour slalomer entre les plots disposés sur l’esplanade piétonne. Âgée de 25 ans, la jeune Iranienne est l’une des adultes qui suit les cours de la Roazhon Mobility, la seule école de vélo de la capitale bretonne. « J’ai grandi dans la mégalopole de Téhéran. Ce n’est pas vraiment une ville où l’on apprend à faire du vélo », glisse la jeune femme dans un sourire qui fait plisser ses yeux maquillés de jaune et de bleu. Son ambition, c’est de pouvoir rouler toute seule dans Rennes, sans appréhension. « J’ai regardé les temps de parcours à vélo par rapport aux transports en commun. Parfois, ça pourrait me faire gagner beaucoup de temps. Et puis, je serai autonome. » Depuis plusieurs semaines, elle suit les conseils de Thierry, l’un des fondateurs de l’école. « J’ai des amis qui partent souvent se balader à vélo. Un jour, ils ont été jusqu’au Mont Saint-Michel. Ces sorties-là, j’en suis exclue. Il y a une forme de pression sociale », regrette Alma.
La jeune Iranienne n’est pas la seule dans ce cas. A ses côtés, K. tente de réapprendre à faire du vélo, plus de vingt ans après l’avoir abandonné, la faute à un accident avec une voiture. « Je n’étais pas gravement blessée mais ça m’a traumatisée. » L’été dernier, elle devait faire une longue sortie à vélo avec des amis sur une île de la côte atlantique. « On dit toujours que le vélo, ça ne se perd pas, alors je me suis lancée. Mais je n’ai pas pu faire trois mètres. Je savais pédaler, mais je n’étais pas du tout à l’aise ». Derrière elle, El Haddi pose pied à terre. Du haut de ses 62 ans, il avoue « avoir peur de la chute » quand il se lance à vélo. Alors, il a réglé sa selle assez basse, pour gagner en confiance. « Savoir faire du vélo, c’est un rêve de gamin pour moi. Il y a une telle sensation de quiétude, c’est magnifique. Mon objectif, c’est d’être capable d’aller en balade tout seul bientôt. »
Contrairement aux idées reçues, la pratique du vélo n’est pas innée, surtout quand on n’a pas grandi en France. « Plus de 80 % de nos élèves sont d’origine étrangère. Et 98 % sont des femmes. Comme si les hommes avaient honte de dire qu’ils ne savent pas faire de vélo », précise Sébastien His, le fondateur de la Roazhon Mobility, qui vient d’inaugurer ses nouveaux locaux dans l’ancien QG de la Petite Rennes rue de Chicogné.
« Il ne s’agit pas simplement de savoir pédaler »
A l’écouter, il y a pourtant un important travail à mener pour « éduquer » la France sur la pratique du vélo. « Il ne s’agit pas simplement de savoir pédaler. Ça, tout le monde l’acquiert assez vite. Mais tendre son bras, regarder autour de soi, derrière, freiner correctement ou savoir se servir de son dérailleur, ça, plein de gens n’y arrivent pas. » Lui qui accompagne plus d’un millier de scolaires chaque année dresse un constat effarant : « Sur une classe de 25 enfants de CM1 ou CM2, seuls quatre ou cinq savent réellement faire du vélo. » Alors que le nombre d’accidents impliquant des deux-roues tend à augmenter, le président de la Roazhon Mobility tempère. « Je ne suis pas surpris car il y a de plus en plus de monde à vélo et c’est tant mieux. Les automobilistes doivent s’y adapter mais les cyclistes aussi, d’autant plus que le Covid a accéléré le phénomène. C’est comme si on mettait tout le monde en voiture sans s’assurer qu’ils ont le permis. »
Ce samedi, son école organise une balade gratuite dans Rennes dans le cadre de la Fête du vélo. L’occasion pour la Roazhon Mobility de se montrer mais aussi de rappeler que le Code de la route s’applique à tout le monde. Dans son école, Sébastien His apprend la sécurisation et la courtoisie. « Quand j’en vois qui grillent les feux, ça me fait rager ! C’est dangereux pour eux mais aussi pour les autres usagers. »