Rennes : Abandonné, ce centre commercial désuet accueillera des artistes en création avant démolition
TRANSFORMATION•Dans les quartiers sud de Rennes, le pôle commercial Torigné a progressivement vu tous ses commerces fermer. L’aménageur public Territoires souhaite y accueillir des artistes avant de démolir les bâtimentsCamille Allain
L'essentiel
- Dans les quartiers sud de Rennes, le centre commercial Torigné a été abandonné. Il accueillera bientôt des artistes en résidence.
- L’aménageur public Territoires souhaite faire vivre les lieux avant leur démolition prévue l’année prochaine.
- Les habitants de ce quartier regrettent que les commerces aient progressivement disparu.
Sur la devanture de l’ancien coiffeur, le numéro de téléphone n’a pas intégré l’arrivée du préfixe « 02 » qui date pourtant de 1996. Mais ça, les habitants du centre commercial Torigné s’en moquaient. Ce qu’ils déplorent, c’est que les commerces aient fermé un à un jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un. Construit dans les années 1970, le centre commercial souffrait clairement du poids du temps. Mais dans ce quartier populaire de Rennes situé à deux pas de l’Hôpital Sud, il avait un rôle prépondérant. Il était la place centrale, le lien social, qui s’est délité au fil des années, jusqu’à disparaître. Un homme promène son chien. Son journal Ouest-France est enroulé autour de sa baguette moulée. « Pour le pain, il faut qu’on marche jusqu’à Sainte-Elisabeth. Mais pour tout le reste, il faut qu’on aille jusqu’à Italie », explique le retraité. On a vérifié les temps de trajet : 6 minutes à pied pour le premier, 13 minutes pour le deuxième.
Au fil des années, les commerces ont fermé. D’abord la boulangerie, puis le bistrot, le coiffeur et même le petit Carrefour Express, dont l’intérieur est aujourd’hui réduit à un joyeux bordel. « Quand la supérette a fermé, tout s’est arrêté ». En décembre, la pharmacie aussi a éteint sa croix verte. « Ce n’est pas simple pour les anciens du quartier. Ils doivent trouver quelqu’un pour leur ramener leurs médicaments. On n’a plus personne à qui dire bonjour le matin. Il n’y a plus de vie, plus de lien de proximité », regrette Jamila.
Au printemps, c’est le restaurant associatif La Grenouille à grande bouche qui a baissé le rideau, plombé par deux années de pandémie. Aujourd’hui, seul le kebab est encore ouvert, quand le reste des locaux sont déserts.
« Le centre commercial ne fonctionnait pas économiquement »
Nouveau propriétaire des lieux, l’aménageur public Territoires ne cache pas ses intentions. Dans un peu plus d’un an, l’ensemble des cellules commerciales seront démolies, pour permettre la construction d’une « cité de l’artisanat ». « Le centre commercial ne fonctionnait pas économiquement », justifie Charly Gutierrez, chargé de médiation pour Territoires. La semaine dernière, l’aménageur public a lancé un appel à candidatures pour occuper temporairement l’ancien centre commercial jusqu’à sa démolition. Pas pour y monter un bistrot ou un resto. Mais pour y accueillir des artistes dont la pratique serait liée aux savoir-faire de l’artisanat du bâtiment (bois, métal, béton, pierre, mosaïque...). « On ne voulait pas que le lieu reste à l’abandon, qu’il puisse servir. Le foncier est un secteur en tension et c’est souvent compliqué pour les artistes de trouver un local pour exercer », poursuit le médiateur de Territoires, par ailleurs passionné d’art.
En plus d’investir les lieux, les artistes du béton, du bois ou du métal joueront aussi un rôle d’animation dans un quartier qui en est clairement dépourvu. « Il faut être ouvert aux curieux, ne pas simplement venir pour consommer un lieu », poursuit Charly Gutierrez. Jusqu’au 18 juillet, les artistes ou associations artistiques de la ville sont invités à se faire connaître si elles souhaitent occuper les quatre à cinq cellules vacantes du centre commercial. Les premières installations devraient avoir lieu en août. Qu’en pensent les habitants ? Pas grand-chose pour l’instant. « A quoi ça va nous servir ? Ce qui manque ici, ce sont surtout des commerces, des lieux pour se croiser, se rencontrer. Plus personne ne se connaît. Et ça, ça nous manque beaucoup », assène Jeanine, qui habite à côté de Torigné depuis plus de cinquante ans.