Ille-et-Vilaine : Une champignonnière bio accusée de polluer le cours d’eau
POLLUTION•A Poilley, en Ille-et-Vilaine, l’entreprise Légulice peine à gérer le traitement de ses effluents qui se déversent dans la Guerge, un affluent du CouesnonCamille Allain
L'essentiel
- Un bassin tampon inadapté semble à l’origine de rejets récurrents de matière organique dans un cours d’eau à Poilley, dans le Finistère.
- L’entreprise Légulice qui y fait pousser des champignons pour sa marque Lou est visée, tout comme Fougères Agglomération, propriétaire du site.
- L’association Eau et rivières de Bretagne s’indigne que le problème connu depuis 2020 n’ait pas encore été traité et va porter plainte.
Une eau teintée de nappes marron, des algues en prolifération et un fumet nauséabond. A Poilley, près de Fougères (Ille-et-Vilaine), le bassin tampon de la zone d’activité Poligone ne donne pas vraiment envie de s’y attarder. Si elle n’est pas prévue pour être un lieu de promenade, cette retenue d’eau semble peiner à remplir sa fonction de dépollution. Car au moment de se reverser dans la Guerge, ses eaux sont loin d’être pures et sans doute beaucoup trop chargées en matière organique. Le problème, c’est que cette pollution dure depuis plusieurs années et que ni l’entreprise située en amont ni l’agglomération ne semblent décidées à y mettre un terme. La préfecture ? Elle a connaissance du dysfonctionnement depuis 2020 mais n’a pas engagé de procédure. L’association Eau et rivières a donc décidé de porter plainte pour tenter de faire avancer ce dossier.
L’alerte est arrivée fin mai sur le bureau de l’association environnementale. Depuis, la situation s’est visiblement « très légèrement améliorée » grâce à la prise de mesures conservatoires par la préfecture d’Ille-et-Vilaine. Mais les faits sont là. La qualité des eaux du bassin tampon est dégradée par les rejets quotidiens de la zone d’activités. Enfin plus précisément par les rejets de la champignonnière. Implantée ici depuis 2015, l’entreprise Légulice promet son exemplarité sur le plan environnemental. Elle travaille en bio et n’utilise « aucun pesticide ni substance chimique » pour faire pousser ses champignons, assure l’agence chargée de sa communication. Elle précise avoir « mis en place un bassin de décantation qui est nettoyé tous les 15 jours ». Et le problème du bassin tampon ? « Il appartient à Fougères Agglomération. Nous l’avons plusieurs fois alertée de la nécessité d’agrandir le bassin tampon », assurent les dirigeants. Le problème, c’est que l’entreprise ne dispose pas du moindre système d’assainissement.
Dans les rangs de la collectivité, on assure être « pleinement préoccupés » par la situation. « Il y a sans doute des rejets organiques qui sont plus conséquents. On devra nettoyer le bassin. Mais pas tant que Légulice n’a pas mis aux normes ses installations », reconnaît Michel Balluais. Le vice-président de Fougères agglomération dédié au développement économique tient cependant à défendre son institution. « Ils n’ont pas fait ce qu’ils nous avaient dit. Au départ, le bassin tampon devait servir à toute la zone d’activité, pas seulement à leur site. Depuis le début, nous avons alerté l’entreprise sur la nécessité de travailler sur ce point. On ne leur jette pas la pierre mais il faut agir », précise l’élu.
Fougères Agglomération est propriétaire du site, qu’elle met à disposition de la champignonnière dans le cadre d’un crédit-bail. Ce contrat qui court sur douze ans prévoit un rachat progressif de l’usine par l’entreprise Légulice. Au bout de sept ans d’exploitation, la marque Lou est donc propriétaire « à plus de 50 % » des installations, précise la collectivité.
« Un temps un peu long » pour Fougères Agglomération
Un bureau d’études a été sollicité par le producteur de champignons et une solution devrait être apportée « dans les prochains mois », assurent les différents protagonistes. « Un temps qui est un peu long », selon Fougères Agglomération, qui précise que « le rythme de production ne pose pas de problème ». Tout en reconnaissant que le traitement des effluents « n’est pas suffisamment dimensionné ».
D’après Eau et rivières de Bretagne, « il faudra des années pour que le site puisse se restaurer et revenir à un bon état ». « Notre association ne peut comprendre, de la part de l’administration, un tel laxisme. Comment se fait-il qu’en 2020, à la suite de la découverte du dysfonctionnement de ce site industriel il n’est pas été engagé une procédure pour faire revenir l’entreprise à la conformité avec la loi ? » Avant de rappeler : « cette pollution aurait pu et aurait dû être évitée. »