Ille-et-Vilaine : « Ils ont 30, 40, 50 refus »… Un nouvel outil face à la galère des stages de 3e
EDUCATION•Avec le télétravail, la recherche déjà compliquée d’un stage est devenue encore plus difficile pour les collégiensCamille Allain
L'essentiel
- Obligatoire, le stage de 3e est souvent bien compliqué à trouver pour les collégiens.
- En Ille-et-Vilaine, une plateforme a été mise en place pour mettre en lien adolescents et entreprises.
- Le recours au télétravail a complexifié un peu plus l’accueil des stagiaires de 3e.
C’était une petite entreprise de menuiserie que connaissait mon père. L’homme à la tête de la société avait accepté de m’accueillir un jour pour ce qui restera ma première immersion dans le monde professionnel. Grâce à la disponibilité et la gentillesse de quelques employés, la journée s’était très bien passée, quoique un peu longue. Elle n’a pas fait de moi un menuisier mais elle m’avait donné une première image du monde du travail. L’an 2000 n’avait pas été franchi et le fameux « stage de troisième » mis en place par l’Éducation nationale n’en était qu’à ses balbutiements. Vingt-cinq ans plus tard, la situation est pourtant la même. A chaque début d’année, les demandes de stages fleurissent dans les boîtes mail en même temps que les jonquilles. La plupart restent sans réponse. Et bon nombre d’élèves finissent par dégoter un stage « par défaut » grâce au réseau familial ou l’aide du collège. Pas idéal pour découvrir un environnement dans lequel on va pourtant passer une bonne quarantaine d’années.
Cette galère à laquelle les élèves de 3e sont chaque année confrontés se heurte avec la difficulté des entreprises ou administrations à accueillir les collégiens dans de bonnes conditions. Une problématique qui s’est encore accentuée avec la pandémie et le recours plus courant au télétravail. « Il manque un lien entre le monde de l’entreprise et le milieu éducatif. Ceux dont les parents n’ont pas de relation ont souvent toutes les peines du monde à trouver leur stage », analyse Hervé Kermarrec. Avec sa casquette de président de l’Union des entreprises d’ Ille-et-Vilaine, le patron du groupe immobilier n’est donc pas peu fier de présenter la nouvelle plateforme « Stage et alternance 35 » mise au point pour faciliter les recherches des collégiens avec l’appui du rectorat.
Financé par la fondation Carrefour, ce site propose un répertoire des structures acceptant l’accueil des jeunes stagiaires afin de faciliter la mise en relation. « Les seuls élèves qui ont déjà trouvé leur stage, c’est grâce au réseau de leurs parents. Ils prennent ce qu’il y a », témoigne Joanna. Son fils Kylian, 13 ans, aimerait devenir journaliste sportif et se spécialiser dans le foot. Il est loin d’être le seul à cet âge. Sans surprise, il n’a reçu aucune réponse à ses candidatures. « Et ça le stresse un peu », reconnaît sa mère. Ces quelques jours d’immersion sont pourtant nécessaires dans le cursus collégien. Et servent de base aux enseignants pour aborder le monde du travail. « Il y a une véritable méconnaissance des entreprises et de ce qu’il s’y fait. En 3e, ils se projettent presque tous vers des métiers connus comme médecin ou avocat », reconnaît Karine Verdale-Croizean, principale du collège des Chalais, à Rennes.
« Il y a de la résignation »
Situé en secteur prioritaire, l’établissement tente d’accompagner au mieux ses élèves dans leurs recherches, notamment ceux qui n’ont pas la chance d’avoir un réseau familial. « C’est difficile pour eux. Ils ont parfois 30, 40, 50 refus. Il y a de la résignation. C’est d’autant plus difficile pour eux de se mettre en avant », poursuit la principale. Cette dernière voit d’un bon œil l’arrivée de la nouvelle plateforme mais prévient : « Il faut que les entreprises jouent le jeu, qu’il y ait une offre variée. » En Ille-et-Vilaine, environ 10.000 élèves de 3e cherchent un stage chaque année.
Pour certaines entreprises, notamment celles qui souffrent d’un défaut d’attractivité, ces stages représentent une belle opportunité de se montrer. « Nous avons de grosses difficultés de recrutement. Nous avons besoin de changer l’image de la branche du transport, de montrer que le métier a changé et qu’un chauffeur ne part pas forcément deux semaines en déplacement à l’autre bout de l’Europe. Nos métiers sont méconnus des jeunes », résume Justine Berthelin, gestionnaire ressources humaines chez GFS. Basé à Noyal-sur-Vilaine, le transporteur fait travailler un peu moins de 500 personnes. L’an dernier, malgré le contexte compliqué, il a accueilli une cinquantaine de stagiaires, qui ont pu monter dans les camions pour découvrir le quotidien des chauffeurs. « On s’assure que nos collaborateurs sont d’accord. Il ne faut surtout pas l’imposer aux salariés », poursuit la gestionnaire RH.
Dans le département, certaines institutions aimeraient que le lancement de la plateforme soit accompagné d’une charte, garantissant les conditions d’accueil des collégiens. « Un élève de 3e, ce n’est pas pareil qu’un lycéen ou un apprenti. Il faut l’accompagner, lui construire un parcours dans l’entreprise », estime Valérie Grumetz, chargée de l’orientation à la direction des services départementaux de l’éducation nationale (DSDEN) d’Ille-et-Vilaine.