Chasse : Le désarroi d’une commune bretonne face aux accidents
BRETAGNE•Les arrêtés pris pour améliorer la sécurité n’ont fait qu’augmenter les tensions entre les chasseurs et les habitants20 Minutes avec AFP
Meurtrie par un accident mortel à l’automne, la petite commune bretonne de Laillé peine à concilier les désirs contradictoires des habitants, des agriculteurs et des chasseurs, et en appelle aux pouvoirs publics pour trouver un nouveau modèle de régulation de la chasse. « On aimerait que ça bouge au niveau national », répète Françoise Louapre, maire de cette commune de 5.255 habitants située sur la quatre voies entre Rennes et Nantes. C’est sur cette même route qu' un automobiliste a été blessé par une balle de 9,3 mm tirée par un chasseur le 30 octobre dernier. Le conducteur de 67 ans est mort quelques jours plus tard à l’hôpital.
Cet accident dramatique est survenu un mois après qu’une meute de chiens de chasse eut tué deux chats dans un lotissement de la commune, suscitant déjà un certain émoi chez les habitants de ce bourg tranquille entouré de forêts. Secoués par ces accidents, Françoise Louapre et quatre autres maires de communes voisines ont interpellé les pouvoirs publics, dans une lettre ouverte rédigée début novembre, pour qu’ils prennent « toutes les mesures nécessaires afin de garantir la sécurité publique de nos concitoyens ».
« Pas anti-chasse »
« Les gens viennent habiter nos communes parce qu’ils ont envie de se balader, d’être près de la nature. Ils n’ont pas envie de voir des fusils partout », peste l’ancien maire Pascal Hervé, aujourd’hui vice-président de la métropole de Rennes. La cohabitation avec les chasseurs est rendue d’autant plus difficile que la commune, qui compte 30 kilomètres de chemins de randonnée, a vu sa population doubler depuis les années 80, avec l’arrivée de nombreux néo-ruraux.
Faute de réponse à ces demandes de régulation, la maire de Laillé a pris le 11 novembre un arrêté interdisant l’usage des carabines, dont la portée peut atteindre 2 km, sur la commune ainsi que la chasse à moins de 150 mètres des habitations. « On n’est pas anti-chasse, on ne veut pas se mettre les chasseurs à dos », a cependant tenu à préciser la maire de Lallié à l’intention de ceux qui lui réclamaient des mesures plus radicales.
Confrontations entre agriculteurs et chasseurs
Ces précautions oratoires n’auront pas suffi. Contrariés par l’arrêté, les propriétaires de chasses privées, au nombre de 16 sur la commune, ont « décidé d’arrêter les battues de sangliers », explique la première adjointe Anne Châtelain Le Couriaud. Accentuant ainsi les craintes des agriculteurs de voir les sangliers ravager encore davantage leurs cultures.
Car le problème est récurrent depuis les années 2000, selon Pascal Hervé, qui se souvient d'« épisodes très houleux » entre agriculteurs et chasseurs ou d’accidents de la route causés par des sangliers. Depuis 2000, le nombre de sangliers tués sur le département a ainsi été multiplié par cinq (4.388 en 2020-2021), sans que cela se traduise par une baisse de la population ou des dégâts causés aux cultures (333.142 euros de dommages indemnisés en 2018-2019).
Concertation sans résultat
« Demander à des chasseurs de réguler la population de sangliers, qui reste un de leur gibier favori, c’est comme demander à ses enfants de réguler leur consommation dans une usine de bonbons », tance Françoise Louapre, elle-même éleveuse de volailles bio et fille de chasseur. Beaucoup pointent du doigt les propriétaires de chasses privées qui alimentent le gibier pour le maintenir sur leurs terres. « Certains d’entre nous ont déconné » mais « tout le monde a une part de responsabilité », rétorque André Douard, président de la fédération régionale de chasse, citant les pratiques agricoles ayant contribué à l’augmentation de la population de sangliers.
Le patron des chasseurs assure d’ailleurs être « prêt à collaborer » avec la maire et ne pas être opposé à des demi-journées sans chasse « au cas par cas ». Mais pour l’heure, les élus de Laillé multiplient les réunions de concertation avec habitants, chasseurs, agriculteurs et préfecture, sans parvenir à des résultats concrets. « On n’a pas beaucoup de prérogatives en matière de chasse, si ce n’est de faire se rencontrer les gens », explique la première adjointe. « C’est pour ça qu’il faut qu’on arrive à trouver un consensus ».