Rennes : Le Liberté, la Mabilais, l’Eperon, les campus Beaulieu et Villejean… Comment le méconnu Louis Arretche a façonné la ville
ARCHITECTURE•Une plaque sera posée au pied de la tour de l’Eperon pour son 45e anniversaire. Un hommage à son concepteur Louis ArretcheCamille Allain
L'essentiel
- A Rennes, de nombreuses constructions sont signées de l’architecte basque Louis Arretche.
- Son nom reste pourtant méconnu dans la capitale bretonne malgré plusieurs bâtiments singuliers comme la Mabilais, le Liberté ou la tour de l’Eperon.
- Une plaque commémorative va être dévoilée ce vendredi en hommage à l’architecte qui a aussi œuvré à la reconstruction de Saint-Malo, Coutances ou Saint-Lô.
A Rennes, tout le monde connaît ses constructions. Le Liberté ? C’est Louis Arretche. La Mabilais ? Pareil. La tour de l’Eperon ? Toujours Louis Arretche. L’architecte né en 1905 fut l’un des plus prolifiques du XXe siècle en France mais son nom reste méconnu. A Rennes, l’homme a pourtant bâti des quartiers entiers comme le Colombier ou Villejean. Des centaines de milliers d’étudiants ont même profité des campus de Beaulieu ou de l’université Rennes 2 qu’il avait imaginés. Ce vendredi, la maire de Rennes Nathalie Appéré inaugurera une plaque en hommage à l’architecte décédé en 1991 à l’occasion du 45e anniversaire de la tour de l’Eperon, avant la tenue d’une conférence lundi sur ce thème. « Cette plaque est une initiative des habitants. Ils sont fiers d’habiter dans cette tour qui possède encore une forte modernité. C’est une manière de rendre hommage à Louis Arretche pour toutes ses constructions », explique la maire.
Depuis son appartement du 16e étage, Joël Gautier a une vue imprenable sur l’emblématique tour du quartier Colombier. Cet ancien architecte a bien connu Louis Arretche à ses débuts, quand il était son directeur d’études aux Beaux-Arts à Paris. « J’ai du respect pour l’homme et l’enseignant qu’il était. C’était un grand professionnel, qui avait une totale maîtrise de ses projets. Sa mission était celle de la reconstruction. Il fallait faire vite et bien. Arretche était très prolixe, il a énormément construit car il a su s’associer », explique son ancien élève. Mais pourquoi un homme qui a autant produit et œuvré à la reconstruction de Saint-Malo, Rouen, Coutances ou Saint-Lô après la guerre est-il si peu connu du grand public ? « Arretche s’adaptait au contexte local. A Saint-Malo, il a choisi le granit (pour le palais du Grand Large notamment), mais à Rennes il a préféré des panneaux préfabriqués pour le Colombier, des voûtes de béton pour le Liberté. Il n’a pas vraiment de signature, contrairement à d’autres comme Le Corbusier. Il n’a pas réellement d’écriture, c’était un pragmatique », estime Joël Gautier.
Son ancien élève loue pourtant les qualités de l’architecte originaire des Landes. Et notamment certains choix visionnaires réalisés dans les années 60. « A Beaulieu, on peut toujours construire sans perturber le projet initial. Le campus peut évoluer, les nouvelles constructions viennent parfaitement s’intégrer ». Alors que la lutte contre le réchauffement climatique est devenue une priorité, on regrettera simplement la pauvreté des capacités thermiques du patrimoine étudiant.
« On a abandonné le projet d’Arretche et on a bricolé »
Si elle est célèbre par sa hauteur, la tour de l’Eperon souffre de son environnement proche. Construit sur dalle, le Colombier souffre du poids des années. La faute, notamment, au rabotage du projet initial, où trois tours étaient envisagées sur ce modèle d’urbanisme appelé « sur dalle ». Mais la société chargée de commercialiser les premiers logements avait essuyé tellement de galères qu’elle a préféré s’en tenir à un seul immeuble. « Le problème, c’est qu’on a abandonné le projet d’Arretche et qu’on a bricolé. Le quartier devait être ouvert sur la ville. Au lieu de ça, on a tout fermé petit à petit », regrette Joël Gautier.
L’ancien architecte réclame un « plan directeur » pour tenter de transformer ce quartier sur le long terme. « Il n’y a pas de devant, pas d’arrière. On ne sait pas par où rentrer ». On lui donne clairement raison. Qui ne s’est jamais perdu dans les méandres de la place des Colombes ou des jardins sur plusieurs niveaux qui trônent au pied des barres d’immeubles ?
Depuis plusieurs années, la municipalité travaille à la transformation du quartier Colombier et des centres commerciaux Colombia et Trois Soleils. Mais la ville concède que le sujet est très complexe, notamment en raison du nombre incalculable de propriétaires et copropriétaires présents des parkings du sous-sol aux derniers des 32 étages de la tour.