L’agroalimentaire breton va devoir se réinventer
LIVRE•Originaire des Côtes-d’Armor, le journaliste Geoffrey Le Guilcher a partagé pendant quarante jours en 2016 le quotidien des ouvriers d’un abattoir breton. Sans concession ni misérabilisme, son récit vient d’être republié en format poche…Magazine Bretons - Régis Delanoë
BRETONS : Qu’est-ce qui vous a poussé à vous rendre incognito dans un abattoir breton pour y mener cette enquête ?
GEOFFREY LE GUILCHER : C’est mon éditrice qui m’en a donné l’idée. Nous étions en 2016 et, en cherchant des sujets d’enquête, nous nous sommes intéressés aux premières vidéos de l’association L214 qui ont fait les gros titres. On y voyait des cas de violence animale qui étaient alors trop souvent analysés comme des agissements isolés d’ouvriers. Observateurs, journalistes, politiques et même les patrons des abattoirs se défaussaient sur cette main-d’oeuvre considérée comme des bourreaux. Face à cette unanimité, j’ai eu l’idée de me ranger du côté des accusés.
Comment avez-vous vécu vos premiers jours de travail à la chaîne ?
La première sensation est visuelle : l’abattoir industriel est grand comme une ville, caché derrière des centaines d’arbres, avec d’immenses parkings. Puis le bruit est arrivé : celui de la chaîne, strident, comme une tronçonneuse géante. Enfin il y a l’odeur de sang, puissante, à laquelle on ne s’habitue jamais vraiment. Et une fois à l’intérieur, le contraste est saisissant entre les combinaisons blanches immaculées qu’on enfile tous et le sang rouge écarlate, omniprésent. Tous les sens te renvoient le fait que tu évolues dans quelque chose d’un peu honteux. Tu comprends mieux le tabou qui entoure ce monde caché. Ce n’est pas conscientisé, mais les ouvriers qui y travaillent savent tous qu’ils font quelque chose pour gagner leur vie – tuer des animaux en masse –, difficilement admissible et inconnu de 99 % de la population.
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Retrouvez la suite de cet entretien dans le magazine Bretons n°169 de novembre 2020.