GILLES SERVAT: "Quand j’ai appris la création de Diwan, j'ai pleuré !"
Bretagne•Gilles Servat vient de faire paraître un album baptisé À cordes déployées. L’auteur de La Blanche Hermine, qui a été de tous les combats depuis les années 1970, y livre une nouvelle interprétation entièrement acoustique de certaines de ses chansons les plus connues...Magazine Bretons - Maiwenn Raynaudon-Kerzerho
Bretons : Vous sortez un nouvel album et avez prévu une tournée. Vous êtes donc toujours heureux de monter sur scène ?
Gilles Servat : Oui, j’aime la scène. Pour moi, le plus important dans le métier que je fais, c’est la scène. Certains chanteurs ne font que des disques, moi je ne pourrais pas. J’ai toujours travaillé avec de super musiciens, mais arrive un moment où on tombe dans une forme de routine. Parfois, on pense même à autre chose quand on chante ! C’est dommage. Il faut que je change, sinon je tombe dans la routine. Ce disque, ce spectacle, c’est une rupture avec ce que j’ai fait avant. C’est complètement acoustique, il n’y a rien d’électronique. Il n’y a donc pas de retours, pas de bruits sur scène. Cela crée une ambiance… Il y a quelques chansons nouvelles, mais beaucoup d’anciennes, que les gens redécouvrent parce que je les chante différemment. J’ai changé parfois quelques éléments, ou ajouté des choses aux chansons.
Dans ce nouvel album, La Blanche Hermine devient La Blanche Sonatine…
Pour la première fois, dans un spectacle, je ne chante pas La Blanche Hermine. Il y a une sonatine, où des passages sont empruntés à La Blanche Hermine. C’est tout.
Vous en aviez marre ?
Un peu. C’est une chanson que j’ai écrite en 1970. Elle ne correspond plus à ce que je pense, notamment dans la relation entre l’homme et la femme qu’elle décrit. Ce sont les ouvrières du Joint Français qui me l’avaient fait remarquer. Je la chante pour la guerre”, ce n’est plus tellement non plus ce que je pense… Mais, quand j’ai écrit cette chanson-là, en 1970, chez Ti Jos à Paris (un bistro du quartier Montparnasse, où les Bretons de Paris se retrouvaient, ndlr), un journaliste était venu m’interviewer, moi et quelques autres. Il nous avait demandé : Mais s’il faut se battre pour la Bretagne, aller faire la guerre, que faites-vous ? On avait tous répondu : On y va. On était prêts à aller se battre.
Parce qu’il n’y avait pas d’autre solution ?
On n’en sentait pas d’autre, on ne pensait pas que ça évoluerait. Dans le Finistère, par exemple, la droite catholique faisait 90 % des voix, c’était verrouillé ! Beaucoup d’endroits étaient comme ça. Il y a finalement eu des changements. Il y a des choses qui ont beaucoup changé, d’autres, pas du tout. Sur la langue bretonne, les choses ont évolué. En 1972, on avait fait une tournée sous chapiteau. On devait chanter à Arzon. Les gars sont venus installer le chapiteau sur la place le matin, mais on a eu un ordre de la préfecture : Interdit. On avait trouvé un paysan qui acceptait de nous prêter son champ. Le soir, c’était plein, il y avait plein de voitures garées dans le champ. Les gendarmes sont venus et ont relevé tous les numéros des plaques. Voilà ce que c’était, à l’époque.
Chanter en breton, c’était subversif…
C’était n’importe quoi ! Comment on peut être aussi con ! Il n’y avait qu’une télé et une radio régionale, à l’époque. Son directeur avait dit : Tant que Gilles Servat chantera La Blanche Hermine, dans n’importe quel endroit de Bretagne, il ne pourra pas passer sur ma télévision ou ma radio. C’était l’époque. On a du mal à s’imaginer ce que c’était. Ça a beaucoup changé. La langue bretonne était condamnée à disparaître. Et il y a eu les écoles Diwan, dans les années 1980… J’étais allé chanter au nord de Brest, et des gars m’avaient annoncé : Voilà, on va créer une école en breton, ça s’appellera Diwan. Waouh ! J’étais rentré chez moi, j’habitais à Nantes, et je pleurais dans ma bagnole. C’était incroyable. Maintenant, la langue bretonne est reconnue.
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Retrouvez la suite de cet entretien dans le magazine Bretons n°168 d'octobre 2020