Anne Quéméré : “C’est en Arctique que j’ai réalisé l’importance de conserver son identité”
Entretien•Entre deux défis, la navigatrice profite d’un moment de répit pour organiser des projections d’un documentaire, Passagère de l’Arctique, qui retrace son parcours hors norme et revient particulièrement sur sa tentative de traversée de l’Arctique en bateau solaire l’été dernier. Depuis le cap Sizun, la Bretonne porte un regard critique sur les politiques qui laissent de côté la question écologique et les langues régionales...Fabien Passard - Bretons
Bretons : Vous sortez un documentaire, Passagère de l’Arctique, après avoir écrit un livre du même titre en 2016…
Anne Quéméré : Le livre parlait vraiment de mon expérience en 2014-2015 dans le passage du Nord-Ouest. Mais le film, qui est un court métrage de 27 minutes, est plutôt un portrait avec un focus sur ces gens qui me permettent ces aventures. À commencer par mon père qui est vraiment mon lieutenant, puis les chantiers, le CSEM (un centre de recherche spécialisé dans le solaire, ndlr)... Je trouvais ça intéressant de mettre en lumière les autres personnes impliquées dans mes projets.
Cette nouvelle tentative de traversée de l’Arctique, l’été dernier, vous a appris d’autres choses ?
On apprend à chaque fois. J’ai été plus loin, donc on découvre d’autres paysages, des paysages que j’imaginais par mes lectures. C’était magique parce que j’en rêvais depuis longtemps. C’est un univers exigeant, qui ne fait pas de cadeau. On a beau se dire qu’on va réussir à composer avec la nature, on se rend compte que cette volonté a des limites et que c’est la nature qui nous imposera ses choix. Quand on s’assoit dans son bateau et qu’on se retrouve en pleine tempête de neige, on se rend bien compte qu’on n’est pas grand-chose. Et ça, c’est une leçon de vie. Quand j’entends dire qu’il faut sauver la planète, ça me fait sourire car c’est nous qu’il faut sauver, c’est l’homme qui est en danger ! Deux, trois tsunamis, et c’est l’espèce humaine qui est menacée. Quand on voyage en Arctique, le pays de l’extrême, où on peut disparaître en un souffle et dans lequel personne ne nous retrouvera jamais, on se rend compte qu’on n’est rien, vraiment rien. On a beau écorcher la planète aujourd’hui, un jour ou l’autre elle nous bouffera. C’est dingue qu’il y ait des gens qui soient capables de nier ce qui est en train de se passer, moi, j’ai envie de les mettre dans un bateau et de les emmener en Arctique pour qu’ils se rendent compte.
Retrouvez la suite de cette entretien dans le magazine Bretons de juin