Rennes: Au bord de l’asphyxie, le tribunal de grande instance reprend son souffle
JUSTICE•Les magistrats rennais avaient lancé un appel à l’aide il y a un an...Camille Allain
L'essentiel
- Le tribunal de grande instance de Rennes était au bord de l’implosion il y a un an, plombé par un manque d’effectifs.
- Le cri d’alarme a été entendu par la Chancellerie, qui a doté le TGI de quelques postes.
- Un an après, les délais restent trop longs pour les audiences pénales. Les juges des enfants doivent traiter plus de 600 dossiers chacun, contre 350 en moyenne en France.
«Nous croulons sous les dossiers. C’est comme si Rennes était oublié ». Cet appel à l’aide avait été lancé par les magistrats du tribunal de grande instance de Rennes en octobre 2017. Confrontée à une pénurie d’effectifs, la juridiction était au bord de l’explosion. Un an après, 20 Minutes est retourné voir le président du TGI rennais pour prendre des nouvelles du malade. Toujours convalescent, le patient se soigne.
« La juridiction va mieux. Notre appel a dû être entendu puisque nous serons au complet en mars », concède Ollivier Joulin. L’an prochain, le président du tribunal devrait enfin voir les 44 postes de sa circulaire de localisation des emplois être pourvus. Ce nombre établi par le ministère de la Justice évalue les besoins de chaque juridiction. Mais il est loin de satisfaire le président.
Nette hausse des contentieux liés aux innombrables chantiers
« A Rennes, il n’a pas changé depuis 2009. Nous avons pourtant vu la population carcérale tripler avec la nouvelle prison, plus les contrôles au centre de rétention administrative et l’obligation de voir les personnes hospitalisées sous contrainte. Notre activité a explosé ». Plus 50 % en 10 ans, selon le patron du TGI.
Ajoutez à cela une nette hausse des contentieux liés aux innombrables chantiers immobiliers et vous comprendrez que les magistrats ne chôment pas. Un exemple ? Chacun des quatre juges pour enfants gère actuellement 680 dossiers, quand la moyenne française est à 350. Impossible dans ces conditions de voir tous les mineurs. « On ne peut plus garantir d’examen régulier des dossiers en audience. On le fait parfois sans audience, mais on ne peut respecter la loi », rappelle Ollivier Joulin.
« « Pour les victimes, c’est insupportable » »
Au-delà des conditions de travail des juges et greffiers, c’est surtout le service qui s’était dégradé. Débordés, les magistrats ne peuvent tout traiter et les délais s’allongent.
« Pour les victimes, c’est insupportable »
Soixante dossiers de correctionnelle sont récemment sortis de l’instruction et n’attendent qu’une date de procès pour être bouclés. La prochaine audience pénale disponible ? Janvier 2020. « Ce n’est pas compréhensible pour les justiciables. Et pour les victimes, c’est insupportable », reconnaît le président.
Le tribunal de grande instance de Rennes espère « être à jour » fin 2019 concernant ces audiences pénales et aimerait descendre sous les six mois de délai. Il espère également voir arriver une dizaine de greffiers d’ici 2020. Et ne pas voir trop de magistrats partir. Si la capitale bretonne séduit les juges, elle peine à les garder. Un quart d’entre eux quittent chaque année le TGI, quand la moyenne nationale est à 10 %. « Au bout de deux ans, ils sont épuisés », résume le président, sans fatalisme. Le malade est toujours en soins.