Jean-Guy Talamoni: “Avec les Bretons, nous avons en commun de refuser notre disparition en tant que peuple”
INDEPENDANCE•Président de l’Assemblée de Corse, l’indépendantiste Jean-Guy Talamoni était l’invité d’honneur du Festival du livre de Carhaix, le 28 octobre dernier. L’occasion de revenir sur la situation catalane, mais aussi sur les comparaisons à effectuer avec la Bretagne...Maiwenn Raynaudon-Kerzerho - Bretons
Bretons : Il y a eu les Écossais, les Catalans aujourd’hui. Pensez-vous qu’il y en aura d’autres, que la marche de l’Europe est d’aller vers la naissance de nouveaux pays ?
Jean-Guy Talamoni : Sans doute. C’est d’ailleurs ce que redoutent les États déjà constitués, qui clament que l’Europe va se désagréger. Non, il y aura des évolutions mais elles seront positives. Quel est le problème si, comme le redoute monsieur Juncker, demain, il y a un plus grand nombre d’États ? Au contraire, on aura des États qui correspondront à des peuples réels, non pas à des associations qui ont souvent été des mariages forcés. Nous sommes favorables à ce qu’il y ait demain des peuples qui veulent continuer à faire un chemin ensemble dans des États constitués qui puissent le faire, et que les peuples qui veulent aller vers leur autodétermination et être indépendants puissent le faire également. Il y a déjà des petits peuples indépendants dans l’Union européenne. Malte a une démographie comparable à celle de la Corse et un territoire vingt-cinq fois plus petit. Il n’y a pas à redouter un nombre important d’États, tout cela doit se faire dans le respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Un droit qui est admis a priori par le concert des nations et l’opinion publique internationale depuis le début du 20e siècle. Malheureusement, en pratique, on voit bien avec le cas de la Catalogne que ce droit n’est pas respecté.
La Corse pourrait devenir indépendante ?
Je fais partie d’un mouvement indépendantiste, je suis moi-même indépendantiste depuis que j’ai l’âge de comprendre ce que cela veut dire, je n’ai jamais été autre chose et je ne serai jamais autre chose. Aujourd’hui, je suis président de l’assemblée de tous les Corses et, à ce titre-là, bien entendu, je prends en compte les intérêts des Corses qui ne sont pas indépendantistes. Je suis favorable à l’indépendance mais je suis obligé de constater que nous ne sommes pas du tout dans la même séquence que la Catalogne, que la Corse a beaucoup de retard par rapport à la Catalogne, que la Corse n’a pas bénéficié d’un statut avec des pouvoirs importants comme la Catalogne, que la Corse n’a pas le dynamisme économique de la Catalogne parce que, riche de potentialités, elle a été appauvrie par les politiques qui ont été menées. Aujourd’hui, nous savons que si nous procédions à un scrutin d’autodétermination, les Corses ne voteraient pas pour l’indépendance. Il faut le reconnaître. Nous avons, avec l’autre composante du nationalisme avec laquelle nous gouvernons la Corse depuis 2015, un accord de dix ans, une feuille de route, qui ne prévoit pas de processus d’indépendance. Cet accord, nous allons le respecter. Dans dix ans, si les Corses le souhaitent, la question de l’indépendance pourra être mise au cœur des débats et un scrutin pourra être organisé. Si les Corses le souhaitent et, en définitive, c’est la démocratie qui aurait à trancher.
Retrouvez la suite de cet entretien dans le magazine Bretons n°137 de décembre 2017.