En première ligne lors des manifestations contre la loi Travail et lors de la campagne présidentielle, Rennes continue de faire parler d’elle. Lundi, c’est une tribune publiée dans Libération et signée par plusieurs intellectuels qui a mis le feu aux poudres. Le texte, intitulé « Rennes, laboratoire de l’ordre En marche », dénonce les méthodes employées par les policiers et magistrats de la ville qui « s’affranchiraient de plus en plus du droit commun ».

Les signataires ciblent notamment un policier qui avait braqué son arme sur des manifestants le 27 avril lors d’un rassemblement « Ni Le Pen, ni Macron ». La police n’a pas tardé à réagir à ce texte, publié deux jours avant le procès des cinq agresseurs présumés du policier.

Que dénonce la tribune ?

Publiée sur la plateforme Change.org et reprise dans les colonnes du journal Libération, la tribune revient sur l’affaire du motard de la police qui avait pointé son arme sur des manifestants lors d’un rassemblement le 27 avril à Rennes. « La police ne cesse de prendre une forme d’autonomie de plus en plus inquiétante en se montrant notamment toujours plus intolérante à toute critique », dénoncent les signataires.

Ils évoquent également « le comportement dangereux et injustifiable d’un policier qui n’était nullement menacé », selon eux. Plusieurs témoignages et des photos rendues publiques par la police ce mardi appuient cependant la thèse de l’agression subie par le fonctionnaire.

Fin mai, sept personnes avaient été interpellées dans le cadre de cette enquête. L’une d’entre elles a été jugée le 7 juin devant le tribunal correctionnel et condamné à six mois de prison avec sursis. Lors du procès qui s’est déroulé dans un climat très tendu, deux jeunes femmes ont été arrêtées et menottées sous l’accusation de faux témoignages. Pour les signataires, « l’objectif est d’empêcher de remettre en cause des pratiques policières et judiciaires de plus en plus affranchies du droit commun ». Ils s’interrogent également « sur la difficulté croissante de manifester en France » et voient dans Rennes « une sorte de laboratoire pour des formes de répressions de plus en plus affranchies ».

Qui sont les signataires de la tribune ?

Mise en ligne par le collectif des Inculpés de Rennes, la pétition, qui réclame « la libération des interpellés du 30 mai et l’abandon des poursuites contre les témoins du 7 juin », a pour l’heure été signée par un peu plus de 2.800 personnes. Parmi les intellectuels signataires, on retrouve notamment l’économiste Frédéric Lordon, l’un des initiateurs de Nuit Debout, l’éditeur et écrivain Hugues Jallon, déjà signataire d’une tribune très à charge contre la police en 2010, ou la chanteuse La Parisienne libérée.

Que répondent la police et les magistrats ?

« C’est un article mensonger qui ne reflète pas ce qu’il s’est passé. », entend-on dans les rangs de la police rennaise. La tribune publiée lundi a fait grincer des dents chez les policiers. « C’est à vomir. Rennes a été le théâtre de manifestations très violentes avec de nombreux blessés chez les forces de l’ordre. Le professionnalisme des policiers a d’ailleurs permis d’éviter le pire », s’insurge David Leveau, délégué du syndicat SGP Police FO.

« Les photos publiées par la police permettent de se faire une opinion et de comprendre la nature et la gravité des violences commises sur ce policier ainsi que les circonstances qui l’ont conduit à sortir son arme », indique pour sa part le procureur Nicolas Jacquet. « La liberté de manifester ne signifie pas la liberté de commettre des violences et des dégradations », poursuit-il.

Pourquoi cinq manifestants sont jugés mercredi ?

Après l’interpellation de sept personnes le 30 mai suite à l’agression du motard lors de la manifestation du 27 avril à Rennes, cinq d’entre eux devaient être jugés en comparution immédiate le lendemain. Les prévenus, âgés de 23 à 31 ans, avaient finalement demandé un renvoi pour préparer leur défense. Placés en détention provisoire avec mandat de dépôt, ils seront jugés ce mercredi matin devant le tribunal correctionnel pour violences avec arme et en réunion sur une personne dépositaire de l’autorité publique.