Rennes: Avoir un rendez-vous chez l'ophtalmo, c'est presque mission impossible
SANTE•Les délais sont d’au moins six mois dans la capitale bretonne…Camille Allain
L'essentiel
- Les délais pour avoir un rendez-vous chez l’ophtalmo s’allongent à Rennes
- De nombreux médecins ne prennent plus de nouveaux patients
- Les départs à la retraite vont être nombreux dans les années à venir
Mardi, 11h30. Les salles d’attente du centre ophtalmologique de la Visitation débordent. A l’intérieur, beaucoup de seniors et quelques enfants patientent pour être reçus en consultation. Impatients, ils doivent faire avec les retards, alors qu’ils attendent bien souvent ce rendez-vous depuis plus de six mois. « Nous ne prenons plus de nouveaux patients pour l’instant. Il faut revenir en septembre, vous aurez peut-être un rendez-vous en 2018 », explique avec calme la secrétaire.
« Je me fais traiter de conne »
En face, ces « nouveaux patients » n’en croient pas leurs oreilles. Et certains perdent leurs nerfs. « On se fait agresser. C’est vraiment compliqué », témoigne la secrétaire, impuissante. Un petit panneau rappelle même que ces agissements sont passibles de poursuites. « Je me fais régulièrement traiter de conne au téléphone », explique la secrétaire d’un autre cabinet rennais. « Mais j’ai l’impression que les patients sont plus tolérants, car ils sont au courant de la situation. »
« La situation » n’est pas nouvelle. Partout en France, les délais pour avoir un rendez-vous chez un ophtalmologiste sont de plusieurs mois. Mais à Rennes, la situation « est encore pire », selon Thierry Bour, président du syndicat national des ophtalmologistes (SNOF). « La moyenne française est de 9 professionnels pour 100.000 habitants. En Ille-et-Vilaine, on est à 6,9. C’est un chiffre qui a encore baissé de 10 % en trois ans alors qu’il s’est stabilisé en France », décrit le président du SNOF.
« Ce sont des journées marathon »
Au bout de la chaîne, ce sont bien souvent les patients qui trinquent. « J’ai essayé d’avoir un rendez-vous en août 2016 pour changer mes lunettes qui étaient abîmées. J’ai dû attendre avril pour être reçu et j’ai eu 45 minutes de retard. Je ne comprends pas pourquoi il y a autant de délais », témoigne Loïc, qui habite à Rennes. Face au vieillissement de la population, les médecins se retrouvent débordés. « Ce sont des journées marathon. On ne peut plus prendre de nouveaux patients. On ne va pas les recevoir juste pour cinq minutes », déplore un ophtalmo rennais.
Le plus inquiétant, c’est que le pire est encore à venir. On compte 72 ophtalmos en Ille-et-Vilaine, dont 28 ont plus de 55 ans et partiront prochainement à la retraite. « On n’en forme pas assez ! Ca fait des années qu’on le dit », peste Thierry Bour, très critique vis-à-vis du numerus clausus imposé par le ministère. « Notre spécialité est la plus demandée. C’est bien qu’il y a des vocations. Il faut remplacer ces départs, sinon on va droit dans le mur. »
Une sélection trop élitiste ?
C’est peut-être cette impitoyable sélection qui a poussé Rennes au bord du précipice. « On ne prend que l’élite qui vient de Paris, Lyon ou Bordeaux. Du coup, ces étudiants ne vont pas s’installer à Rennes ou Brest quand ils sont diplômés », poursuit le président du SNOF.
Pour tenter d’améliorer la situation, son syndicat a écrit aux candidats à la présidentielle, en demandant des mesures urgentes. Depuis fin 2016, les infirmiers, les orthoptistes et les opticiens sont habilités à prendre en charge certains actes. Une mesure « qui va dans le bon sens ». Mais qui ne suffira pas.