EN IMAGES. Rennes: 400 lettres intimes de migrants réunies dans une imposante encyclopédie
CULTURE•Le projet a été mené simultanément dans huit villes d’Europe…Camille Allain
Quinze kilos, 1.782 pages et trois tomes. Samedi, il faudra au moins 24 heures non-stop aux bénévoles de l’association l’Age de la Tortue pour lire l’intégralité de leur imposant ouvrage. Editée à huit exemplaires, leur Encyclopédie des migrants compile 400 témoignages de migrants recueillis dans huit villes d’Europe (Brest, Rennes, Nantes, Gijón et Cadix en Espagne, Porto et Lisbonne au Portugal, et Gibraltar). « Ce sera sans doute le plus gros projet de notre vie », assure Céline Laflute, coordinatrice du projet.
Alors que la question des réfugiés a pris une dimension éminemment politique, l’Age de la Tortue a décidé de laisser la parole aux migrants vivant dans les huit villes citées. L’idée a germé dans l’esprit de l’artiste espagnole Paloma Fernández-Sobrino, installée dans le quartier du Blosne depuis des années et qui correspondait régulièrement avec sa famille, restée au pays. « Elle a rencontré de nombreuses personnes du quartier qui ont voulu se remettre à écrire », explique Antoine Chaudet, en charge de la communication de l’association.
« Je suis un arbre déraciné »
Parasitée par le téléphone et les e-mails, la correspondance manuscrite a quasiment disparu. L’Age de la Tortue a voulu lui redonner vie à travers 400 courriers représentant 104 pays. Un Chinois qui danse le flamenco à Cadix, un Chilien fuyant Pinochet arrivé à Rennes il y a 30 ans ou encore un couple russo-ukrainien (c’est donc possible) installé à Brest… Dans sa langue, chacun a pu parler de son éloignement. « Je t’aime, maman, mais je ne reviendrai pas. Je suis un arbre déraciné de sa terre qui a été replanté dans un autre sol, plus propice. Il me restera toujours des racines profondes là-bas, chez toi, mais elles se sont ramifiées, entrelacées aux nouvelles et ancrées profondément dans ma deuxième patrie », écrit par exemple Héba, Egyptienne vivant à Rennes.
Au travers de ces 400 lettres, l’association espère faire changer le regard des gens, qui « vivent ensemble mais ne se connaissent pas ». « On ne veut pas surfer sur le thème de la crise migratoire, au contraire. On veut plutôt poser un regard sensible, plus proche de l’humain. Chacun de ces témoignages fait partie de l’histoire de France », assure Antoine Chaudet.
Une version aux Champs Libres et une en ligne
Samedi, l’Encyclopédie des Migrants sera remise simultanément aux maires des huit villes ayant participé au projet. A Rennes, l’imposant ouvrage sera conservé à la bibliothèque des Champs Libres et accessible à tous. Une version numérique sera également mise en ligne.