Pourquoi Bécassine n’a pas toujours été appréciée des Bretons
BD•Le nouvel album de la célèbre héroïne sort ce mercredi en librairie…Jérôme Gicquel
N’ayant plus donné de nouvelles depuis 2005, Bécassine fait son grand retour en librairie avec la sortie ce mercredi paru chez Gautier-Languereau. Pour la première fois de sa vie, la célèbre bonne bretonne s’offre un petit break en allant rendre visite à son ami Zidore fraîchement installé en Provence. Dans ce nouveau tome, les références à la Bretagne sont très sommaires. Bécassine apporte bien un colis contenant un kouign amann et une andouille de Guéméné à son ami mais cela s’arrête là.
Au cours de l’histoire de Bécassine, , le célèbre personnage n’a pourtant pas toujours été très apprécié des Bretons, loin de là. La bande dessinée décrit en effet le quotidien d’une petite bonne bretonne un peu sotte, illettrée et maladroite, partie travailler chez une famille bourgeoise parisienne. « Cela raconte l’exil massif qu’a connu la Bretagne entre 1890 et la Première Guerre mondiale avec plusieurs dizaines de milliers de jeunes femmes », indique Didier Guyvarc’h, .
La statue de cire de Bécassine détruite au musée Grévin
Mais beaucoup de Bretons sont blessés par l’image arriérée que donne Bécassine, dans laquelle il perçoit une forme de « racisme anti-breton ». « Cela correspond tout de même à une certaine réalité car à cette période, la Bretagne était très en retard par rapport au reste de la France », souligne Didier Guyvarc’h. Lancée par les Bretons exilés à Paris, la protestation grandit durant l’entre-deux-guerres, notamment dans les milieux nationalistes.
En 1939, trois militants sont ainsi arrêtés à Paris au musée Grévin. La même année, le tournage du film, dans le rôle de Bécassine, est perturbé par des manifestations dans la région de Lannion. A sortie en salles en 1941, le film est d’ailleurs interdit dans plusieurs villes bretonnes.
Bécassine devient un symbole dans les années 70
Il faudra finalement attendre le début des années 70 pour les Bretons se réconcilient un peu avec le personnage de Bécassine. « C’est la période du rattrapage économique de la Bretagne, le « miracle breton » comme l’ont appelé certains. Dans les milieux de gauche et d’extrême-gauche, Bécassine devient alors le symbole d’une Bretagne revendicative avec une affiche la montrant le poing levé », raconte Didier Guyvarc’h.
Symbole de cette nouvelle image véhiculée par la Bretagne, titrera ainsi dans les années 90 « Bécassine n’est plus bretonne » pour illustrer un article sur l’excellent taux de réussite au bac enregistré dans l’académie de Rennes.
La sortie du nouvel album de Bécassine ne devrait en tout cas pas raviver la polémique en Bretagne. « C’est devenu un personnage universel et le contexte n’est plus du tout le même. Bécassine a perdu de sa bretonnité, c’est désormais un personnage hors-sol », conclut l’historien.