Bretagne: Jacques fabrique des guitares recyclées dans des boîtes de cigares
INITIATIVE•L’idée provient des esclaves noirs américains…Camille Allain
Dans la vie, Jacques Corre est plutôt débrouillard. Agé de 33 ans, ce bricoleur domicilié à Bédée, à l’ouest de Rennes, s’est lancé il y a un an et demi le défi un peu fou de concevoir lui-même sa guitare. D’abord un peu effrayé par la complexité de l’instrument, il s’est rabattu sur les guitares cigar box, fabriquées, comme leur nom l’indique, à l’aide d’une boîte de cigares. « Ce sont les esclaves qui travaillaient dans les champs de coton du sud des Etats-Unis qui ont inventé cela. Ils récupéraient les boîtes de leur maître et façonnaient leur propre instrument pour jouer de la musique. C’est comme ça qu’est né le blues », explique Jacques Corre.
Enjoliveur de 2CV et canettes de bière
En esclave moderne, l’homme récupère tout ce qu’il trouve pour concevoir ses instruments. Morceaux de palettes, boîtes de conserve, canettes de bière, manches de pelle, lattes de terrasse, boîtes de gâteaux et même enjoliveurs de 2CV trouvent une seconde vie bien rythmée. Après avoir réalisé avec succès sa première guitare, Jacques décide d’en concevoir une deuxième, puis une troisième… Aujourd’hui, il en compte plus d’une centaine. « Je pensais faire ça sur mon temps libre, mais ça devenait envahissant ».
Prêt à reprendre le chemin du BTP où il a longtemps exercé, Jacques a dû changer d’avis après avoir subi une lourde fracture du genou, qui l’éloigne de l’emploi pendant un moment. Une tuile, qui le poussera à s’investir à fond dans son projet et à créer sa petite entreprise K# en mai dernier. « Sans ça, je ne me serais jamais lancé », assure le solide gaillard. Aujourd’hui, il y consacre tout son temps. « Il me faut deux jours pour les modèles les plus complexes. C’est du travail, car ce ne sont pas des jouets, ce sont de vrais instruments avec un son un peu garage comme dans le blues ».
Une partie des guitares réalisées par Jacques Corre. - C. Allain/APEI/20 Minutes
Très sollicité, Jacques refuse pourtant de vendre à tour de bras. « Je ne le fais pas par Internet car je veux voir les gens, leur raconter l’histoire de chaque guitare, car elles sont uniques ». Et plutôt que de passer son temps enfermé dans son atelier, l’homme a décidé de partager sa nouvelle passion autour de lui. Depuis plusieurs mois, il intervient dans les écoles du coin ou les festivals, où il expose régulièrement. Celui qui se décrit « comme un gosse » est aujourd’hui très sollicité pour animer des ateliers de fabrication d’instruments pour les enfants. « Les gamins, ils adorent ça. Ils fabriquent leur propre gratte avec des bricoles et ils peuvent jouer avec. Il y en a même qui se sont mis à la guitare avec ça ».
Du 15 au 21 novembre, il exposera ses plus belles pièces au festival de blues de Montfort-sur-Meu, à côté de chez lui. Avant peut-être un jour, d’emmener ses bébés aux Etats-Unis…