« Aucune violence ne doit rester sans réponse »
Violences conjugales•Trois années sont passées depuis le lancement du « Grenelle » des violences conjugalesAccompagnement et protection des victimes, formation des professionnels de santé et des forces de l’ordre : où en est-on de l’application des mesures phares ? Le point avec Isabelle Rome, Ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Egalité des chances
Quelles sont les évolutions du 3919 cette dernière année ?
Le 3919 a été créé pour assurer un premier accueil téléphonique des femmes victimes de toutes formes de violences, de leur entourage et des professionnels concernés. Porté par la FNSF, le 3919 constitue un maillon essentiel pour favoriser la libération de la parole, mieux repérer les victimes et leur permettre de se mettre à l’abri ou de porter plainte. Depuis août 2021, le 3919 est accessible 24h/24 et 7j/7 ainsi qu’aux personnes ultra-marines, sourdes et malentendantes. Demande exprimée de très longue date par les associations, cette extension des horaires est le fruit du Grenelle des violences conjugales lancé par le Gouvernement.
Depuis les confinements, assiste-t-on à une recrudescence des appels vers la plateforme ?
Les appels vers le 3919 ont fortement progressé depuis les confinements et l’extension de ses horaires, grâce aux campagnes information du Gouvernement. Pour accompagner la progression des appels reçus, le Gouvernement et la majorité parlementaire n’ont eu de cesse, depuis 2017, de renforcer l’engagement de l’État auprès de la FNSF. Les subventions du ministère de l’Égalité ont ainsi plus que quadruplé, passant ainsi de 1,4 million d’euros en 2017 à 5,9 millions d’euros dans le budget 2023.
Un protocole national a été mis en place pour améliorer l’accueil et accompagnement des victimes. Notamment à destination des professionnels de santé. Quels rôles ont-ils concrètement auprès des victimes ?
Les médecins et les professionnels de santé constituent les premiers acteurs vers qui se tournent les victimes, il était donc important de leur permettre de révéler des faits de violences sans l’accord de la victime dans des situations de danger immédiat et d’emprise. C’est dans cet esprit que la loi a évolué. Nous avons travaillé avec le Conseil national de l’Ordre des médecins et la Haute Autorité de santé afin de soutenir les soignants dans leurs démarches et de fluidifier le traitement de ces signalements par les parquets. Il est également très utile que les victimes puissent déposer plainte à l’hôpital. À ce jour, 266 conventions ont été signées permettant la prise de plainte pour violences conjugales au sein des établissements hospitaliers. Par ailleurs, nous avons aussi rendu possible le fait de pouvoir conserver des preuves même si la victime ne dépose pas plainte. Lors du premier semestre 2022, 3 363 examens ont ainsi été réalisés, soit une progression de 40% sur la même période par rapport à 2021.
Les forces de l’ordre sont souvent pointées du doigt dans la prise en charge des victimes. De quel accompagnement disposent-t-elles ?
Depuis cinq ans, une véritable révolution a été opérée chez nos forces de l’ordre. Une plateforme de lutte contre les violences sexistes et sexuelles a été créée par le ministère de l’Intérieur, 160 000 policiers et gendarmes ont été formés à l’accueil des victimes de violences et 451 intervenants sociaux ont été mis en place dans les gendarmeries et les commissariats ; nous les porterons à 600 prochainement. Le Gouvernement compte amplifier ce mouvement en doublant la présence policière dans la rue ainsi que le nombre d’enquêteurs spécialisés sur ce sujet.
Quelles sont les mesures restrictives phares menées à l’encontre du conjoint violent ?
La priorité de la politique pénale conduite sous l’impulsion du Garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, consiste désormais en l’éviction du conjoint violent du domicile conjugal. En décembre 2020, nous avons mis en place les bracelets anti-rapprochement – près de 800 sont actifs à ce jour – afin d’empêcher les conjoints violents d’approcher la victime au-delà d’un périmètre défini par le juge. Aussi, parce que protéger les victimes c’est aussi prévenir le passage à l’acte et la récidive, nous avons créé trente centres de prise en charge des auteurs de violences dans l’Hexagone et en Outre-mer. Ils permettent d’assurer un suivi de ces auteurs et de les responsabiliser via notamment des stages qui peuvent être prononcés par les juges. Aucune violence ne doit rester sans réponse.
Qu’en est-il des places en hébergements d’urgence ?
À la suite de l’impulsion du Grenelle, le nombre de places d’hébergement pour les femmes victimes de violence a augmenté de 80% depuis 2017, pour atteindre 9 860 places aujourd’hui. Comme l’a annoncé la Première ministre le 2 septembre dernier, nous atteindrons 10 000 places d’ici la fin 2022 et 1 000 places supplémentaires seront opérationnelles en 2023, ce qui portera le total à 11 000 places. Par ailleurs, le coût des places 2020 et 2021 a été revalorisé de 30% afin de mieux accueillir les victimes. Nous avons défini avec le Grenelle plusieurs critères pour adapter ces places d’hébergement au plus près des besoins des femmes : l’accueil en environnement non mixte, l’accompagnement spécialisé et l’environnement sécurisé. Il faut aussi souligner que la quasi-totalité des places d’hébergement peuvent accueillir les femmes avec leur enfant, ce qui est essentiel pour éviter toute rupture du lien mère/enfant.