Déficit : Européennes, censure, tensions internes… Pourquoi le dérapage est un boulet pour le gouvernement
campagne•Le gouvernement a dévoilé ce mercredi sa nouvelle trajectoire de finances publiques, avec un nouveau dérapage du déficit à 5,1 % du PIB pour 2024Thibaut Le Gal
L'essentiel
- Le gouvernement a dévoilé sa trajectoire de déficit, à 5,1 % du PIB en 2024.
- Ces mauvaises nouvelles sont un coup dur pour le gouvernement et sa majorité en pleine campagne européenne.
- La piste d’une motion de censure a été évoquée par les oppositions.
La mauvaise nouvelle a accompagné, comme une hirondelle, l’arrivée du printemps. Fin mars, le gouvernement a dévoilé un déficit pour l’année 2023 bien supérieur à ses estimations : 5,5 % du PIB (contre 4,9 % prévus).
Et ce mercredi, Bruno Le Maire a dévoilé sa nouvelle trajectoire de finances publiques pour 2024, à 5,1 % de déficit. Avec 10 milliards d’économie à trouver en plus des 10 milliards déjà prévus. Pourquoi ce dérapage sur le front économique est-il un sacré boulet pour Emmanuel Macron ? On fait le point.
Un boulet pour la campagne
La question des déficits percute la campagne européenne, déjà mal embarquée pour le camp présidentiel. Face au rouleau compresseur Jordan Bardella, les macronistes comptaient bien utiliser une fois encore l’arme économique pour faire vaciller celui qui caracole en tête des sondages depuis des mois. « Le RN, comme les LR d’ailleurs, attaquent le gouvernement sur les déficits, mais leur projet les ferait exploser », soupire une députée Renaissance.
Cependant, les critiques sur le manque de sérieux du projet du Rassemblement national, au niveau national comme au Parlement européen, pourraient cette fois pâtir du bilan gouvernemental. « On parle de milliards d’euros de déficits, cela inquiète les Français, tranche Gilles Pennelle, cadre du RN. Ces attaques contre nous ne portent plus, et ce contexte angoissant amplifie le vote utile anti-Macron pour Bardella », sourit-il.
La menace d’un impôt caché
Ce dérapage économique ouvre aussi la porte à des critiques venues notamment de la droite. « On parle d’une dette de 3.000 milliards d’euros. Cette idée de Mozart de la finance est en train de revenir vers Macron comme un boomerang ! », souffle le député LR des Alpes-Maritimes Eric Pauget. Plusieurs agences de notation pourraient dégrader la note française fin avril, à quelques mois du scrutin. La droite, flairant le bon filon, a indiqué qu’elle lancera une commission d’enquête sur les causes du déficit. Elle n’a pas manqué ces dernières heures d’évoquer également la piste d’un « impôt caché » par la macronie, qui ne serait révélé qu’après le scrutin du 9 juin.
« Avec de telles projections, l’objectif de 3 % en 2027 est un doux rêve. Il sera de plus en plus difficile de maquiller ce Waterloo financier et de masquer le plan secret d’augmentation des impôts », a ainsi assuré sur X ce mercredi Eric Ciotti, le chef des LR. Le patron des députés, Olivier Marleix, a lui aussi soupçonné le gouvernement d’avoir « un plan caché pour rétablir les comptes », pointant la sous-indexation des retraites sur l’inflation. Une attaque insidieuse – jusqu’ici rejetée par le gouvernement – qui pourrait faire des ravages dans l’électorat âgé macroniste.
Revoilà la motion de censure !
Toujours avec la carte « déficit », la droite a de nouveau brandi la possibilité de déposer une motion de censure pour faire tomber le gouvernement de Gabriel Attal. « La question n’est pas de savoir si, mais de savoir quand ils vont la déposer. Il est bon de s’y préparer », soupire une élue macroniste.
Si la majorité a déjà des sueurs froides, c’est qu’une telle motion pourrait cette fois passer. A gauche et à droite, on a déjà annoncé être prêts à voter une motion déposée par LR, le Rassemblement national, la France insoumise, le Parti communiste et certains écologistes.
Des tensions au sommet de l’Etat
Ces sombres perspectives économiques ont aiguisé les tensions au sommet de l’Etat. Ces derniers jours, Bruno Le Maire a évoqué l’idée de mettre en place une loi de finances pour rectifier le budget de l’année en cours. Des velléités qui ont fortement agacé l’Elysée et Matignon. « Bruno, ça fait quand même sept ans que tu es là ! », aurait lancé en petit comité le chef de l’Etat à son ministre de l’Economie et des finances, selon le Figaro. « Faire sauter le fusible Le Maire est une possibilité », reconnaît une cadre de la majorité. De quoi plomber un peu plus l’ambiance au sein de la majorité.