Elections législatives 2024 : Des « compromis sans se renier » à Toulouse, laboratoire de l’union de la gauche
Mariage forcé•Toulouse pourrait être le cabinet d’une union des partis de gauche pour lutter contre l’extrême droite20 Minutes avec AFP
L'essentiel
- En France, les résultats de l’élection européenne ont fait bondir tout un bord politique : celui de la gauche. Face à la montée de l’extrême-droite et de Jordan Bardella, l’union est une solution.
- Pour les élections législatives qui auront lieu le 30 juin et le 7 juillet, les partis de gauche ont assemblé leurs forces. Mais à Toulouse, l’union est loin de faire florès.
28 % pour le PS-PP et 27 % pour LFI. La Ville rose s’est inscrite dans un tout autre arc électoral qu’au niveau national durant l’élection européenne. Un potentiel encourageant pour les futures législatives de la gauche. L’union semble, en effet, en bonne voie grâce à l’accord de principe du Nouveau Front populaire. Mais elle s’annonce ardue dans la région de Toulouse, où élus socialistes attachés à une gauche sociale-démocrate et une nouvelle génération de députés LFI/Nupes entretiennent des relations parfois glaciales.
L’Occitanie, « c’est une région particulièrement désignée pour être témoin, soit de la dynamique de l’union à gauche ou au contraire de son impossibilité », estime Emmanuel Négrier, directeur du Centre d’études politiques et sociales à Montpellier.
Lors des législatives de 2022, les élus socialistes d’Occitanie avaient souvent boudé la Nupes, jugeant les arbitrages de sa commission d’investiture trop favorables à LFI, dans un bastion PS où la région et 12 des 13 départements sont sous pavillon rose. La riposte s’était traduite par des candidatures dissidentes.
« Des conditions inédites pour notre démocratie »
Pour Carole Delga, présidente socialiste de la région Occitanie depuis 2016, la page est tournée. « 2024 n’est pas 2022. Dans ces conditions inédites pour notre démocratie, je dis oui au Front populaire », a-t-elle déclaré, en prenant exemple sur les syndicats qui ont su aplanir leurs différences pour faire front contre la réforme des retraites.
« La ligne majoritaire à gauche est celle de Raphaël Glucksmann. La ligne du Front populaire doit être, logiquement, majoritairement sur la ligne de Raphaël Glucksmann », pointe la présidente de la Région. « La lutte contre l’extrême droite, c’est le combat de ma vie, ça vaut des concessions, mais pas sur les valeurs », souligne-t-elle.
Pour les législatives des 30 juin et 7 juillet, note Emmanuel Négrier, « on est dans une configuration différente de 2022 (…) avec des forces politiques qui se sont réajustées, dont les scores sont certes ceux d’une élection européenne, mais qui peuvent faire valoir un rééquilibrage de l’offre politique ».
L'A69 en jeu ?
Le jeune député de Haute-Garonne Hadrien Clouet, qui participe pour LFI au groupe de travail sur le programme du Front populaire à Paris, voit se dessiner un accord. « On fait tous des compromis, sans que personne n’ait à se renier », assure-t-il. « Quand on est dans ce type de situation, avec l’extrême droite aux portes du pouvoir, il faut y aller », lance-t-il.
Elue députée Verts/Nupes en 2022, Christine Arrighi se montre pragmatique. « Aujourd’hui, il y a 40 % de votes d’extrême droite, alors je veux bien qu’on ait eu des mots très, très durs de LFI vers le PS ou du PS vers LFI, mais là maintenant, ni les uns et ni les autres n’ont été en capacité – et nous encore moins puisqu’on a fait 5 % aux européennes – de faire barrage au Rassemblement national. »
« Donc là, il faut beaucoup de modestie, beaucoup d’humilité, il faut beaucoup travailler pour proposer une alternative (…) On a des désaccords, ils sont connus », confie l’écologiste, mobilisée contre l’autoroute A69 Toulouse-Castres, alors que Carole Delga y est favorable.
Des décisions qui font grincer des dents
Sur les terres chères à Jean Jaurès, la constitution d’un nouveau Front populaire cause toutefois quelques remous. Les décisions venues de Paris, notamment autour des investitures, font déjà grincer des dents dans les états-majors locaux.
« Ce sont des décisions qui répondent à une logique nationale, qui ne sont parfois pas faciles à articuler localement. Dans les circonscriptions, il y a des fractures entre politiques socialistes/Parti radical de gauche et la Nupes », dit à l’AFP un cadre socialiste, chargé d’arrondir les angles. En Ariège, toute proche de la région toulousaine, deux ans après la Nupes, une « résistance » au Front populaire apparaît.
Une « responsabilité politique »
« Le rassemblement de la gauche est souhaitable, mais il faut savoir mettre des lignes rouges », dit avec fermeté Laurent Pannifous, élu en 2022 avec le soutien de Carole Delga face au député sortant LFI Michel Larive. Pour ce socialiste suspendu du parti pour dissidence, qui siège actuellement au groupe Liot à l’Assemblée nationale, « l’union de la gauche ne peut pas se faire avec LFI ».
Le score du Rassemblement national aux européennes place la gauche dans une obligation d’union et « ce contexte rend responsables ceux qui n’auront pas réussi à s’entendre, d’une catastrophe potentielle », souligne le politologue.
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