Projet de loi immigration : Après le rejet par l’Assemblée, quels scénarios possibles ?
LENDEMAIN DE CLAQUE•Voici les cinq principales possibilités offertes à l’exécutif sur le projet loi immigrationRachel Garrat-Valcarcel
L'essentiel
- L’Assemblée nationale a rejeté lundi le projet de loi immigration.
- Pour autant, le texte n’est pas mort.
- Commission mixte paritaire, Sénat, découpe, retrait, dissolution… 20 Minutes vous dresse la liste des hypothèses qui sont sur la table.
Le rejet lundi, par l’Assemblée nationale, du projet de loi immigration en première lecture, est le plus gros échec du gouvernement depuis 2022, peut-être même depuis 2017. Pour autant, il ne signe pas encore tout à fait le glas du projet porté par Gérald Darmanin. 20 Minutes vous fait la liste des différentes hypothèses sur la table de l’exécutif, de la plus probable à la plus kamikaze.
L’hypothèse plus probable : la Commission mixte paritaire
C’est, à cette heure, l’option qui semble privilégiée par l’exécutif. Mais qu’est-ce donc ? Dans la procédure choisie pour l’adoption du projet de loi immigration, après une lecture au Sénat et une lecture à l’Assemblée nationale sans que les deux se soient mis d’accord sur le même texte, on part en commission mixte paritaire (CMP) pour tenter de négocier un accord. Dans cette CMP, on trouverait 7 sénateurs et sénatrices et 7 députés et députées, au prorata des équilibres politiques de chaque chambre. Dans ce qui ressemble à une boîte noire et où le gouvernement n’est théoriquement pas présent, on négocie pied à pied sur chaque article pour tenter de trouver une rédaction qui reçoive l’assentiment d’une majorité de la CMP. S’il y a accord, on dit que la CMP est « conclusive », le texte doit être adopté comme tel par les deux chambres.
Dans cette CMP, les plus nombreux sont les LR. Avec les macronistes, ils ont une majorité. Si les macronistes veulent un accord, ça simplifie la négociation. Mais forcément, on se dirige vers un texte qui ressemblera plus à celui du Sénat – donc durci – qu’a celui sorti de la commission à l’Assemblée début décembre. Et le risque lors du vote à l’Assemblée sur l’éventuel texte d’une CMP conclusive, c’est la fracturation de la majorité, avec une aile gauche qui lâche le gouvernement.
Beaucoup, notamment à gauche, ne croient pas à cette hypothèse et pensent que l’aile gauche se couchera : « Une couleuvre, avec un peu de sel et un peu persil, ça passe très bien », glisse un conseiller. Mais le risque pris est quand même très important. D’autres estiment qu’une CMP conclusive relèverait du miracle car le texte du Sénat comprend 145 articles. « Ça signifie 145 bras de fers (…) Un désaccord indépassable sur un seul article et la CMP est non conclusive, donc encore un échec. (…) Vous y allez, vous ? Moi je réfléchis bien avant de tenter… », juge sur Twitter François Malaussena, un collaborateur parlementaire socialiste.
L’hypothèse par défaut : le renvoi au Sénat
Si le gouvernement ne convoque pas de Commission mixte paritaire, la navette parlementaire reprend son cours normal. En l’occurrence, après le rejet par l’Assemblée, le projet de loi immigration revient pour une deuxième lecture au Sénat, sur la base du texte voté par ce même Sénat début novembre. Sur le papier, la chambre haute pourrait donc renvoyer le même texte à l’Assemblée, et rebelote ?
Pas aussi simple, car dans cette option, le gouvernement n’a plus totalement la main. Le Sénat peut tout à fait choisir de ne pas mettre le projet de loi immigration à l’ordre du jour, et donc l’envoyer dans les limbes. C’est la conférence de président du Sénat qui décidera. Sachant que les trois groupes de gauche ne veulent pas du texte, et qu’on voit mal Bruno Retailleau, le président du groupe LR, le plus important, faire ce cadeau au gouvernement, l’affaire est mal partie.
L’hypothèse « boucherie » : le texte à la découpe
Certaines voix se font entendre dans la majorité, comme celle du président du groupe Renaissance, Sylvain Maillard, pour découper le projet de loi immigration en plusieurs morceaux. Une partie avec la mesure de régularisation, possiblement votée grâce à l’aide d’une partie de la gauche. Une autre partie avec les mesures dures, votée avec la droite. Ça a déjà marché par le passé : il y a un an, le gouvernement a coupé en deux son texte énergie. Il a fait voter avec la droite le texte sur le nucléaire, et avec l’abstention des socialistes celui sur les énergies renouvelables.
La question d’une découpe du même genre du texte immigration avait d’ailleurs été émise au printemps dernier. On connaît la suite. La découpe met d’une certaine manière la pression sur les oppositions. Mais après la défaite de lundi, n’est-ce pas déjà trop tard ?
L’hypothèse rase campagne : le retrait du texte
C’est l’option qui, à ce jour, paraît exclue par la plupart des cadres macronistes. Difficile d’abandonner un texte sur lequel autant de capital politique a été investi depuis plus d’un an. Un retrait signerait aussi sans doute la fin du bail de Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur. Or, même défait, le « premier flic de France » garde sans doute plus de poids politique que les trois quarts du gouvernement réuni, difficile de s’en passer pour Emmanuel Macron.
Un retrait pourrait aussi signer la fin des espoirs macronistes de faire passer de grandes réformes d’ici la fin du quinquennat. Une perspective là aussi difficile à admettre à… trois ans et demi de la fin normale de la législature. Certaines voix, plus optimistes sur ce point, poussent à passer à autre chose, comme Charles Sitzenstuhl : « On le sait depuis le début, c’est un texte maudit, mal emmanché. Il faut passer à autre chose, ce texte plombe le quinquennat depuis un an. Il y a plein d’autres politiques publiques ! »
L’hypothèse kamikaze : la dissolution de l’Assemblée
Dans la Constitution, rien n’oblige juridiquement le président de la République à dissoudre l’Assemblée nationale, et donc à organiser des élections législatives anticipées. Même le vote d’une motion de censure, qui fait tomber le gouvernement. Mais si le président, qui est le seul à décider, juge la situation bloquée au Parlement, alors la dissolution peut être la seule solution. Mais la situation est-elle bloquée ?
Pas sûr : l’exécutif se félicite assez souvent d’avoir fait passer plus de lois depuis juin 2022 que lors de la même période lors de son premier mandat. L’échec d’un texte dans un contexte de majorité relative n’équivaut pas à un blocage. Et puis pour dissoudre, il faut avoir l’espoir de sortir renforcé d’un retour aux urnes. Et en partant dans une courte campagne sur l’immigration, alors que le RN semble avoir le vent en poupe, l’opportunité politique paraît, disons, audacieuse.
À lire aussi