Assemblée nationale : Alimentation, carburants, électricité… L’inflation domine la rentrée des députés
REPORTAGE•Les groupes d’opposition ont fixé ce mardi leurs priorités, et c’est (presque) unanimeRachel Garrat-Valcarcel
L'essentiel
- La première séance de questions au gouvernement de cette rentrée avait lieu ce mardi.
- C’était l’occasion, pour les groupes d’opposition, de donner le ton.
- Et ils ont presque tous décidé de commencer par l’inflation.
A l’Assemblée nationale,
A la rentrée, il y a toujours un moment où l’on se demande si on est encore en vacances. On se pose la question quand la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, félicite un député pour sa victoire à une course cycliste d’élus. Ou encore le XV parlementaire pour sa troisième place au mondial de rugby des parlementaires… Elle souhaite même un prompt rétablissement au capitaine de l’équipe de France masculine de rugby, Antoine Dupont. A la sortie de cette introduction - certes sympathique, mais un peu hors sol –, l’Assemblée rentre alors dans le vif du sujet du moment : l’inflation.
Une séance de questions de rentrée est en effet une bonne occasion, pour un groupe d’opposition, de marquer ses priorités. Et à ce jeu-là, les communistes, les insoumis, les socialistes, Les Républicains et Liot (Liberté, indépendants, outre-mer et territoires) ont choisi le pouvoir d’achat. La droite entame la séance avec son angle favori : le prix des carburants. L’insoumise Aurélie Trouvé, elle aussi dans son couloir, parle de ces « concitoyens qui ont faim et bientôt auront froid », référence aux 30 % de Françaises et de Français qui, d’après les sondages, sautent des repas. Puis les divisions de la Nupes transpirent légèrement : alors que le communiste André Chassaigne réclame l’indexation des salaires sur l’inflation, mesure à laquelle les insoumis sont favorables, seuls François Ruffin et Marianne Maximi, proche de Clémentine Autain, suivent les communistes dans leurs applaudissements.
Les prix de l’électricité mettent le feu
Il faut attendre la question du socialiste Philippe Brun pour que le ton monte réellement. Le député de l'Eure, au lendemain du suicide d’un boulanger à Marseille, profite de ses deux minutes pour poser une question sur la facture énergétique des artisans. « Comment justifier que notre pays, avec EDF, produit une électricité à 60 euros du mégawatt/heure, la vend à 42 euros à ses concurrents, et nos boulangers, en moyenne, dans les offres de contrat, payent 700 euros du mégawatt ! C’est un pillage organisé. » La ministre déléguée chargée notamment de l’Artisanat, Olivia Grégoire, assure d’un ton grave que le boulanger décédé n’avait pas de dettes, pas plus auprès de ses fournisseurs d’énergie. Et de pointer « l’indécence » de la récupération politique : « Ce qui est indécent, c’est de lier des choses qui n’ont pas à être liées, c’est de tout mélanger. »
Quinze secondes avant la fin de son temps de parole, Olivia Grégoire esquisse alors une réponse sur le fond, estimant que le gouvernement « a passé l’année dernière à protéger nos petites entreprises », en accompagnant notamment certaines dans des renégociations de contrat. Une réponse, c’est peu de le dire, qui ne satisfait pas la représentation nationale. Et le député Philippe Brun au premier chef, qui accuse, dans un tumulte encore inédit cette année, le gouvernement « d’indifférence » : « Vos diversions ne trompent personne ! Nous avons dans nos circonscriptions des boulangers qui viennent tous les jours avec des factures de 5.000 euros, 10.000 euros, 15.000 euros ! »
Manifestation textile
Deux groupes d’opposition ont néanmoins fait un autre choix pour entamer leur année. Au lendemain de la présentation du plan de planification écologique, les écologistes veulent épingler l’exécutif : « Il y a une planification, mais pas de plan », déplore ainsi Éva Sas, dénombrant les nombreux manques et incohérences aux yeux des écologistes. « Vous ne pouvez pas en même temps défendre les transports collectifs et la bagnole, comme vous dites ! (…) Le "en même temps" en matière de transition écologique, ça ne fonctionne pas, et votre hésitation est irresponsable. »
Pour illustrer leurs propos, les députés et députées vertes abordent un t-shirt avec des « warming stripes », qui montrent l’ampleur du réchauffement climatique. Passée rapidement d’animatrice de colo à surveillante générale, Yaël Braun-Pivet demande aux écolos de couvrir leurs t-shirts : « Vous n’avez pas à manifester par votre habillement une quelconque opinion dans cet hémicycle. »
Bande-annonce 2024
Enfin, le Rassemblement national. Depuis la campagne présidentielle de 2022, il a fait du pouvoir d’achat son cheval de bataille principal. Mais il choisit d’entamer l’année par l’immigration. Et dans des termes loin de l’ambiance bon chic, bon genre que l’on prête aux députés et députées d’extrême droite depuis leur arrivée au Palais-Bourbon. « Cette immigration massive coûte des milliards d’euros pour le contribuable, elle aggrave notre insécurité et menace notre identité », entame Alexandre Loubet, en référence aux évènements récents de Lampedusa, en Italie.
La suite n’est qu’une reprise des théories complotistes du « grand remplacement » : « D’ici 2050 la population africaine va doubler (…) Face à cette bombe démographique, si nous ne voulons pas que la France et l’Europe disparaissent nous devons mettre fin au laxisme migratoire. (…) Pour stopper cette submersion, qu’attendez-vous pour agir ? » La question est : cette question est-elle une bande-annonce des débats sur le projet de loi immigration début 2024, ou de la campagne des élections européennes du 9 juin prochain ? Une séance de rentrée ne dit évidemment pas tout.