Des maires sous pression
COLLECTIVITÉS•es élus de terrain sont les premiers au contact des citoyens mécontents...William Molinié
S’il est difficile de quantifier le nombre d’agressions contre les maires, d’avis général, elles se banalisent. Incivilités, insultes ou agressions en tous genres, menaces, pressions… Les élus de terrain sont exposés. A l’image de Maurice Boisart, le maire de Cousolre (Nord), qui veut dénoncer ce vendredi les pressions auxquelles sont soumis les élus. Certains estiment que c’est «le risque du métier». D’autres ne le supportent pas.
Maire d’Aubervilliers, en région parisienne, Jacques Salvator (PS) est souvent interpellé par ses administrés lorsqu’il se déplace en vélo dans la ville. «Je ne me suis jamais fait agresser physiquement. Parfois, j’entends une bravade lointaine lancée par des jeunes en groupe. Je n’y prête pas attention», explique-t-il. «Si une personne m’interpelle dans la rue pour me demander quelque chose, généralement, je réponds. Je considère que c’est normal. Mais quand on veut me provoquer, je ne cède pas. Je suis déjà devenu tout rouge», poursuit-il.
Il lui arrive que le ton monte rapidement lors des permanences en mairie. «Les sujets autour du logement sont sources de fortes tensions lorsque les personnes en face sont impatientes. Je leur dis que je n’arbitre pas en matière d’attribution de logement et que c’est une commission. Généralement, les gens ne me croient pas», poursuit Jacques Salvator qui attribue l’agacement des citoyens à la détresse sociale. «Psychologiquement, c’est dur à supporter. Parfois même, il est difficile de se regarder dans la glace. C’est très éprouvant de recevoir les gens. Car recevoir quelqu’un, c’est déjà promettre. Et parfois, on ne peut pas grand-chose».
«Violence de plus en plus forte»
Si majoritairement il s’agit d’intimidations ou d’insultes, «depuis plusieurs années, les agressions d’élus ne cessent de se multiplier», alerte l’Association des maires de France, qui a d’ailleurs attiré à plusieurs reprises l’attention des différents gardes des Sceaux sur ce phénomène. Parmi les drames les plus marquants, figure la tuerie de Nanterre (Hauts-de-Seine) le 27 mars 2002. Richard Durn, un déséquilibré de 33 ans, avait ouvert le feu en pleine séance du conseil municipal. Bilan, huit morts et plusieurs blessés. «Depuis ce tragique faits divers, j’ai renforcé la sécurité dans ma mairie. Maintenant, il y a des portiques. Je connais des élus qui ont été vraiment traumatisés et qui ont compris qu’ils pouvaient être exposés. Pour ma part, ça a été un choc», confie un maire UMP qui préfère ne pas dévoiler son nom.
A Sevran, Stéphane Gatignon (EE-LV) refuse de se barricader dans sa mairie. «Chez certains maires voisins il faut passer trois portes avec des codes d’entrée pour accéder à leur bureau. Ils craignent le débordement. Je pense qu’il y a un juste milieu», dit-il. Pourtant, en début de mandat, Stéphane Gatignon a été agressé physiquement. Depuis, il fait davantage attention, «sans tomber dans la parano». «Aujourd’hui, les tensions sont différentes. Ce sont des questions de trafics de drogue et d’armes. Du coup, je suis un peu plus attentif, moins nonchalant», assure-t-il.
«La violence est de plus en plus forte. Parfois, il y a des dérapages et les institutions sont visées. Mais en même temps, je ressens qu’il y a un immense respect pour le maire. Ça peut choquer certains, mais je vous assure qu’on arrive à gérer les choses », se défend le maire de Sevran. Qui conclut: «Maires et citoyens vivent parfois dans deux mondes parallèles. Et ces deux mondes ne se rencontrent jamais. D’où l’incompréhension et l’énervement».