INTERVIEWCondamnation de Jacques Chirac: «Deux ans, ce n'est pas une peine symbolique, c'est long»

Condamnation de Jacques Chirac: «Deux ans, ce n'est pas une peine symbolique, c'est long»

INTERVIEWAurélien Chardeau, avocat, répond à «20 Minutes» sur la condamnation de l'ancien président de la République...
Propos recueillis par Anne-Laëtitia Béraud

Propos recueillis par Anne-Laëtitia Béraud

Jeudi, Jacques Chirac a été déclaré coupable par le tribunal correctionnel de Paris dans les deux volets de l'affaire des emplois fictifs de la ville de Paris. Alors qu'il encourait dix ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende, l'ancien président de la République a été condamné à une peine de deux ans de prison avec sursis. Une sanction anormalement légère? Aurélien Chardeau, avocat, fait le point.

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Peut-on penser que la condamnation de Jacques Chirac est une sanction politique?

Dans un contexte aussi sensible et extraordinaire, on peut penser que les magistrats ont fait très attention aux preuves qui leur ont été apportées. Je veux croire au sérieux des magistrats dans ce jugement, précisément parce que l’idée d'une sanction politique pourrait être avancée par certains. Cette condamnation, qui peut être frappée d’appel, est un message fort à l'opinion publique sur l’indépendance de la justice. Mais le rôle d'un tribunal consiste à dire le droit, à juger en examinant les faits à charge et ceux à décharge.

Deux ans avec sursis pour l’ancien président, est-ce une condamnation sévère?

Deux ans, ce n’est à mon sens pas une peine symbolique, c’est une peine sévère, même si, en toute logique, elle est assortie du sursis. En matière de peine, il y a une règle pour le primo-délinquant. Sauf si les faits sont extrêmement graves, on considère qu’il faut lui laisser une chance, lui éviter une peine de prison ferme. Il y a une gradation dans la peine. Les faits jugés ici se sont passés avant que Jacques Chirac ne soit président; il a été établi qu’il n’y a pas eu d’enrichissement personnel; le prévenu est âgé et sa santé est fragile. Dans de telles circonstances, il est parfaitement normal d'accorder du sursis au prévenu, à considérer qu'il est coupable. A ce propos, j’aimerais que la justice ait toujours autant d’égards, au quotidien, pour les «petits» prévenus dans la détermination de la peine. Un tel procès montre par ailleurs l’utilité des juges d’instructions qui enquêtent, en toute indépendance, sur des faits.

Cette condamnation peut-elle alimenter le débat sur une réforme du statut pénal du chef de l’Etat, pour mettre fin à l’immunité présidentielle?

Je crois que ce procès montre que le système fonctionne: les magistrats ne sont pas tous d'accord, mais il en ressort une décision judiciaire rédigée sur près de deux cents pages. Et on peut penser que cette affaire sera de nouveau jugée devant une cour d'appel. Une réforme du statut pénal de l’Etat pourrait, au contraire, fragiliser l’exercice du chef de l’Etat. A la critique sur une justice qui n’irait pas jusqu’au bout, je réponds qu’au contraire, elle montre aujourd’hui son efficacité. Je constate enfin l’absence de peines complémentaires (par exemple l’interdiction des droits civiques, NDLR) prononcée dans ce jugement. C’est un fait notable dans le procès d'un homme politique.