Le PS appelé à faire l'impasse sur les couches populaires

Le PS appelé à faire l'impasse sur les couches populaires

Reuters

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Le club de réflexion de gauche Terra Nova sème l'émoi en suggérant aux socialistes d'abandonner les couches populaires au profit des classes moyennes au moment où le PS s'interroge sur l'électorat à conquérir pour 2012.

Un avis contesté au sein du parti et bruyamment commenté du Parti communiste au Front national en passant par l'UMP, pour qui le PS a «tiré un trait sur les classes populaires» à un an de l'élection présidentielle.

«Terra Nova, fossoyeur de la gauche ?», s'interroge même l'hebdomadaire Marianne.

A l'origine du débat, un rapport de Terra Nova, influent «think tank» marqué à gauche et jugé proche du PS pour qui «la classe ouvrière n'est plus le coeur du vote de gauche, elle n'est plus en phase avec l'ensemble de ses valeurs».

Le club de réflexion suggère aux socialistes d'assumer la mue d'une société française caractérisée par un déclin de la classe ouvrière et l'émergence de nouvelles populations - femmes, jeunes, diplômés, minorités des quartiers populaires, non-catholiques, habitants des grandes villes.

«Pour nous, l'élargissement est plus facile à faire en direction des classes moyennes, car c'est un électorat qui apparaît aujourd'hui plus mobile que ne le sont les classes populaires, qui ont davantage basculé vers la droite», dit Olivier Ferrand, président de Terra Nova, dans Le Monde du 11 mai.

Une analyse qui a suscité de vives réactions, à l'image d'Olivier Dartigolles, porte-parole du Parti communiste, qui parle de «sabordage idéologique».

«Cynisme électoral»

«Cette démission en rase campagne de la fondation Terra Nova augure mal de la campagne électorale de 2012", écrit-il dans un communiqué. "C'est une formidable offrande faite à l'extrême droite qui n'attend que cela en se positionnant masquée sur le terrain social».

De fait, le numéro deux du Front national, Louis Aliot, remarque que «le divorce est bel et bien consommé entre le peuple et ses élites, entre les classes populaires et la caste dirigeante, entre les travailleurs et les syndicats».

«Dans cette mutation aux allures de révolution démocratique, Marine Le Pen apparaît comme une alternative majoritaire possible», ajoute-t-il à propos de la présidente du FN, qui a le vent en poupe dans les sondages.

L'analyse de Terra Nova fait aussi débat au PS, où l'ancien Premier ministre Laurent Fabius juge qu'il n'y aurait «aucun sens» à tourner le dos à l'électorat populaire.

«Il ne faut pas prendre toutes les mouches qui volent pour des idées», déclarait-il mercredi sur Public Sénat, reprenant une formule de l'ancien président François Mitterrand.

«Si vous abandonnez les électeurs, vous pouvez faire des choses très intéressantes mais pas de politique», a-t-il ajouté, prônant un programme «qui concerne à la fois les couches populaires et les couches moyennes».

François Kalfon, délégué général du PS chargé des études d'opinion, table sur un projet présidentiel ciblant à la fois classes populaires, centristes et retraités, qui avaient massivement voté pour Nicolas Sarkozy en 2007.

«L'élection se gagnera au peuple sur des sujets concrets»

«S'adresser aux jeunes, c'est un marqueur politique majeur, mais les salariés en décrochage représentent un électorat bien plus important, tout comme les seniors», déclarait jeudi dans Libération ce proche de Dominique Strauss-Kahn et co-auteur de «L'Equation gagnante», un livre sur la stratégie électorale pour 2012.

Arnaud Montebourg, candidat à la primaire du PS pour la désignation du candidat à l'élection présidentielle, critique lui aussi, dans son blog, le rapport de Terra Nova et affirme que l'élection, au contraire, "se gagnera au peuple".

«Oui, l'élection se gagnera au peuple sur des sujets concrets : la réponse à la désindustrialisation, l'égalité entre les hommes comme entre les territoires, la préférence pour les salariés plutôt que pour les actionnaires», écrit-il. "Il faut parler aux classes populaires et les associer à un grand projet de transformation. C'est la seule solution pour donner à la gauche les clés de l'action dans la durée", conclut le député PS.

A l'UMP, le secrétaire général Jean-François Copé a fustigé pour sa part le «cynisme électoral qui consiste à sacrifier une partie des Français au nom d'intérêts électoraux et marketing».

«Le candidat du PS ne sera pas celui des classes populaires et des classes moyennes, mais celui des études de marché», écrit-il dans un communiqué.