Immigration: Des parlementaires réclament «la transparence totale»
POLITIQUE•D'après eux, le sujet n'est pas pris par le bon bout par le gouvernement...Maud Pierron
Un audit pour mettre des chiffres sur une réalité. C’est l’ambition d’une trentaine de parlementaires français, de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Parlement européen de toutes tendances qui se sont réunis pendant un an pour produire un audit de plus de 300 pages sur l’immigration, sous l’angle social, économique, démographique et même de sécurité publique. Un rapport « lucide» et «pluraliste», vante la député socialiste Sandrine Mazetier qui présentait le document ce mercredi matin à l’Assemblée. Ce rapport est le fruit de l’audition de 35 chercheurs (géographe, sociologue, économiste, etc.) ou haut-fonctionnaires, afin de mettre un terme à «l’opacité» en la matière.
Car ces parlementaires, a insisté le député vert Noël Mamère, ont financé cet audit et se sont organisés seuls. La constitution d’une mission parlementaire sur le sujet leur a été refusée. «Nous avons été obligés de nous organiser en dehors de l’Assemblée», s’agace le député-maire de Bègles, ajoutant que cela prouve «l’insincérité» des politiques menées et «le mépris du rôle du Parlement dans l’évaluation des lois», la septième en la matière, insiste-t-il. Or, cet audit sur les lois en matière d’immigration, non réalisé jusque-là, est important car il donne «une meilleure appréhension des réalités», explique le député UMP Etienne Pinte. «Aujourd’hui, on alimente les peurs en matière d’immigration. On devrait faire appel à l’intelligence de nos concitoyens» et donc «faire œuvre de pédagogie», ajoute l’élu de Versailles.
Les « mensonges par omission» du gouvernement
C’est un «rapport de constatation» qui permet de tordre le cou à certaines idées reçues mais aussi de rétablir les «mensonges par omission» du gouvernement, explique le député des Landes Jean-Pierre Dufau. Par exemple, en 2009 , rapporte-t-il, on sait que 180.000 «personnes ont été admises sur notre territoire de manière régulière» mais ce qu’on ne dit pas, c’est que la même année, 75.000 personnes ont quitté le territoire français. Il réclame donc «une transparence totale» sur le sujet.
Que dit d’autre ce document de 331 pages qui va «enrichir le débat de façon sereine» selon Etienne Pinte? Il part des «postulats» de base de la politique du gouvernement et les confronte à l’épreuve des faits. La France s’expose-t-elle à accueillir toute «la misère du monde» si elle relâche sa politique de flux migratoires? C’est «erroné», assure Sandrine Mazetier, selon qui «40% des migrants subsahariens sont diplômés du supérieur». Par ailleurs, 3% seulement de la population mondiale est mobile, rappelle-t-elle et 40% des flux sont sud-sud.
Une base de travail
Les immigrés coûtent-ils vraiment cher à l’Etat? Non, assure-t-elle encore. D’après les travaux du professeur d’économie Lionel Ragot, «sans immigration, l’effort que les Français devraient produire pour financer les retraites et la sécurité sociale à l’horizon 2050 ne serait pas de 3% du PIB mais de 5%», rapporte la députée PS. Par ailleurs, la présence d’immigrés «est très peu significative» sur la baisse des salaires quand il y a concurrence, de l’ordre de 0,018%, a-t-elle rapporté. Sans compter que l’immigration compense le vieillissement des populations.
Par ailleurs, souligne Sandrine Mazetier, les reconduites à la frontière ou les arrestations de sans-papiers opérées par les forces de l’ordre les détourne des vraies priorités de sécurité. «Cette politique de mise en scène mobilise énormément de moyens de police et gendarmerie alors qu’au même moment, leurs moyens baissent», ajoute la député socialiste. En bref, pour elle, «c’est la politique menée en matière d’immigration» qui pose problème et non l’inverse. Une conclusion qui n’engage qu’elle car ces parlementaires de tout bord n’ont pas tenu à faire une conclusion commune ou des recommandations politiques. Ce document doit avant tout être une base de travail.