Baptiste Talbot: «Il y a une grande différence entre les slogans et les propositions du FN»
INTERVIEW•Baptiste Talbot, secrétaire général CGT services publics, a entendu Fabien Engelmann, syndicaliste et candidat FN aux cantonales, convoqué ce lundi par la CGT...Propos recueillis par Baptiste Thion
Fabien Engelmann, le cégétiste candidat aux cantonales sous les couleurs du FN en Moselle, a été convoqué ce lundi par la CGT, pour un prélude à un renvoi qui ne fait aucun doute. Les membres du parti frontiste ont profité de cette situation pour organiser une conférence de presse, devant le siège de la CGT à Montreuil. Fabien Engelmann n’est pas un cas à part. Annie Lemahieu, déléguée syndicale du Nord/Pas-de-Calais, a également été privée de son mandat par FO pour avoir été candidate du FN aux cantonales dans le Nord. Baptiste Talbot répond aux questions de 20 minutes.
S’il n’est pas nouveau que certains syndiqués rejoignent le FN, le fait qu’ils s’affichent et militent sous ses couleurs constitue un phénomène récent. Comment l’expliquez-vous?
C’est vrai, il y a déjà eu, dans de rares cas, des syndiqués qui votaient FN, mais pas qui militaient sous ses couleurs. La crise économique et sociale ainsi que les décisions du gouvernement, notamment à propos des services publics, créent un terreau favorable à la montée du Front national. Les frontistes profitent de la situation actuelle pour instrumentaliser les mouvements syndicaux, mais parmi les syndiqués, les sympathisants FN restent extrêmement minoritaires. Je pense néanmoins qu’il faut une véritable rupture avec la politique de ces 10 dernières années pour endiguer le phénomène.
Lors de cette audition, le FN a organisé une conférence de presse pour protester contre ce renvoi. Le parti va également poursuivre la CGT pour discrimination politique. Peut-on craindre que la médiatisation de ces cas apporte une peu plus d’eau au moulin du front?
C’est le but du FN que de se servir de ce type de prétexte pour avoir toujours un peu plus de médiatisation. Mais il ne faut pas faire semblant, dire que la situation n’existe pas. Il faut s’emparer du sujet et prévenir les syndiqués sur le danger que suscite le FN. Nous voulons que les salariés sachent que les propositions de ce parti tendent à une aggravation de la situation dans les services publics.
Après avoir tenté de récupérer le thème de la laïcité, Marine Le Pen semble avoir fait de même pour les questions sociales. Le FN semble croître sur les échecs des politiques de droite comme de gauche. Craignez-vous qu’il finisse par s’approprier certains thèmes traditionnellement de gauche, comme la défense des salariés par exemple ?
Certes le FN tente de s’approprier les thèmes qui tournent autour de la question sociale, mais concrètement, lorsqu’on examine les propositions du front, on peut remarquer que ces dernières n’ont rien de sociales. Le FN ne veut pas revenir sur les suppressions de postes d’un fonctionnaire sur deux, il préconise de recruter plus de fonctionnaires, mais seulement dans la justice et la police. Il ne souhaite pas non plus revenir sur la réforme des retraites et refuse une augmentation des salaires des fonctionnaires. De plus, la préférence nationale, thème de prédilection du Front national, n’est pas conforme à l’idée même de service public. Il y a une grande différence entre les slogans et les propositions du FN. C’est ce que nous devons expliquer aux militants.
Qu’est ce que font les mouvements syndicaux comme la CGT pour enrayer cette tendance, pas encore courante mais inquiétante?
On ne peut pas appeler ça une tendance, le cas de Fabien Engelmann, le fait qu’il s’affiche ainsi, est unique à la CGT. Mais il faut rester vigilant, cette situation n’en demeure pas moins une alerte. Il faut des décisions disciplinaires, faire un travail de fond. Le FN n’est pas un parti qui est susceptible de prendre des mesures sociales et économiques concrètes et c’est un danger pour la démocratie.