Jacques Chirac, le premier président de la Ve République devant les juges
JUSTICE•L'ancien chef d'Etat n'est pas un prévenu comme les autres...V. V.
C'est un procès historique qui va s'ouvrir sans son prévenu vedette. Jacques Chirac a déjà fait savoir qu'il ne serait pas présent, lundi après-midi, à l'ouverture des débats. L'audience du jour ne devait être qu'une simple affaire de procédure.
Mais, avec la question prioritaire de constitutionnalité déposée par l'avocat Jean-Yves Le Borgne, la voilà qui revêt une importance considérable. Si la demande de l'avocat est jugée recevable, Jacques Chirac et les autres prévenus bénéficieront au pire d'un sursis de quelques mois, au mieux d'un non-lieu définitif.
Dans le cas contraire, l'ancien président de la République devra prendre dès mardi le chemin du Palais de Justice de Paris. Dans la salle, accolée à la Conciergerie, où furent jugés Marie-Antoinette et Dominique de Villepin, tout a été prévu pour lui: un fauteuil confortable quand ses neuf coprévenus s'assoiront sur de vulgaires chaises; une petite table sur laquelle il pourra prendre des notes. Mieux, ses avocats ont même poussé le vice jusqu'à faire installer un pupitre taillé sur mesure pour sa stature (1,90 m).
Un homme de 78 ans affaibli
«Jusqu'au bout, tout a été étudié dans les moindres détails pour lui, regrette Frédérik Canoy, avocat des parties civiles. Ce n'est pas normal, c'est un prévenu comme les autres.» Pas tout à fait. Toujours très populaire, Jacques Chirac préfère laisser dans l'imaginaire collectif le souvenir de celui qui a dit non à la guerre en Irak plutôt que celui d'un simple justiciable.
De la sortie de sa voiture à la première chambre civile, l'itinéraire a donc été balisé pour qu'il ne croise aucun des 101 journalistes accrédités. Et surtout aucun photographe qui pourrait immortaliser ce moment. Car c'est bien le procès d'un ancien chef d'Etat. Et dans cette phrase, chaque mot compte.
Si Jacques Chirac est le premier président de la Ve République à être jugé, c'est aussi un homme âgé qu'on dit affaibli par ses 78 ans. «Je me porte aussi bien que possible», s'est-il contenté de lâcher, dimanche, sur les ondes d'Europe 1. Il n'empêche: à la fin janvier, Bernadette Chirac a dû démentir que son mari était atteint par la maladie d'Alzheimer. Sans parvenir à stopper la rumeur, qui fait son lit de chacun des gestes de l'ancien président.
«Entrecôte charolaise et bière»
Lors de sa visite au Salon de l'agriculture à la fin février, les observateurs ont remarqué que Jacques Chirac s'appuyait en permanence sur l'épaule de son voisin pour se déplacer. Ses proches ont noté qu'il avait avalé «une entrecôte charolaise arrosée d'une bonne bière», comme si son coup de fourchette légendaire était désormais l'étalon permettant de juger de sa santé. En coulisses, l'un de ses proches reconnaissait pourtant que «son pas est plus lent qu'avant».
Montrer qu'il n'a rien perdu de sa superbe: ce sera le principal objectif de Chirac durant ce procès. Voire le seul. Car l'homme a occulté le délit. Accusé d'«abus de confiance», de «détournement de fonds publics» et de «prise illégale d'intérêts», Jacques Chirac est soupçonné d'avoir mis sur pied un système d'emplois fictifs rémunérés par la Mairie de Paris alors qu'ils ne servaient que son ambition politique personnelle.
«J'assume la responsabilité de ces recrutements, même si, pour la plupart d'entre eux, je ne les connaissais pas», a déjà reconnu Jacques Chirac lors de ses auditions devant le juge. C'est pour cela qu'il encourt une peine de dix ans d'emprisonnement et de 375.000 € d'amende.