L'Angolagate: entre Molière et Audiard, cherchez le droit...
© 2011 AFP
Molière s'est invité au procès de l'Angolagate, qui a revisité Tartuffe, Argan et Monsieur Jourdain. Michel Audiard était là aussi, avec une version "papy" des Tontons flingueurs. Et au final, les juges sont censés dire le droit, rien que le droit. Une gageure.
Le procès en appel des 18 prévenus poursuivis dans cette affaire de vente d'armes à l'Angola, dont Charles Pasqua, 83 ans, figure de la droite française, et Pierre Falcone, bientôt 57 ans, homme d'affaires à la "générosité légendaire", s'est déroulé du 19 janvier au 3 mars devant la chambre 5-13 de la cour d'appel de Paris, siégeant dans la 1ère chambre.
Fauteuils capitonnés, tapisseries symbolisant une justice impartiale, grande horloge et moulures dorées.
Le président, Alain Guillou, et ses deux conseillers, magistrats professionnels, se sont donné jusqu'au 29 avril pour faire connaître leur décision.
L'affaire est sérieuse. Des armes ex-soviétiques ont été vendues dans les années 90 à un pays africain en guerre, payées grâce à des crédits gagés sur les recettes futures de son pétrole. Le matériel a été livré au régime de Luanda, qui a finalement pris le dessus sur une rébellion condamnée par l'ONU.
Grâce à de confortables marges calculées à l'aune d'intérêts réciproques, des commissions, pots-de-vin et gratifications ont été distribués en Angola, en France et peut-être ailleurs, à des banques, dignitaires, intermédiaires et petites mains.
L'argent n'appartenait à personne, finalement, sinon au peuple angolais, comme l'ont dénoncé des ONG pourfendeuses de la corruption. Donc, tout le monde aurait dû être content, d'autant que les artisans de cette vente pensaient avoir assuré un "boulot" que la France ne pouvait pas faire officiellement.
Mais il y a eu un grain de sable.
Pour des raisons fiscales et juridiques, selon les juges instructeurs et le tribunal, qui a prononcé un nombre conséquent de peines de prison et d'amendes pour vente illicite d'armes, abus de biens sociaux et recel, trafic d'influence...
Pour des motifs économiques - le pétrole - mais aussi politiques, selon la défense, parce que Pasqua menaçait de faire de l'ombre à Jacques Chirac à la présidentielle de 2002.
Les avocats ont évoqué le "ballet des hypocrites", la "guerre des services", M. Pasqua lançant les mots de "parjure" et "dégonflé", en particulier à l'adresse d'Alain Juppé.
La défense espère aussi bénéficier des revers de fortune du juge qui a instruit le dossier, Philippe Courroye, devenu procureur à Nanterre et critiqué pour sa gestion du dossier Bettencourt. Proche du pouvoir? aux ordres? Les récriminations sont revenues en boucle.
La nomination d'un président de chambre quelque semaines avant le procès a également alimenté la suspicion. Et pour compléter le tableau, le parquet aurait été invité en haut lieu à se montrer clément, au nom des intérêts diplomatico-économiques de la France.
Au vu des réquisitions du ministère public, ni plus ni moins sévères que depuis le début de la procédure, c'est raté.
Pour l'accusation, Pierre Falcone s'est accroché à son "mandat" angolais comme les médecins du Malade imaginaire au "poumon". Et selon sa défense, Falcone n'a pas su dire dès le début qu'il était "mandaté" parce qu'il ne savait pas le mot, comme le bourgeois gentilhomme ignorait qu'il faisait de la prose.
"C'est simple et en même temps très compliqué", constatait un avocat. Allez savoir si les juges sont de droite ou de gauche, "pro ou anti-Courroye", "pro ou anti-Juppé"...