Dérapage de Marine Le Pen: Ses propos ne sont pas que «tactiques», «elle les pense»
INTERVIEW•C'est l'avis de Jean-Yves Camus, politologue spécialiste de l'extrême droite, contacté par 20minutes.frPropos recueillis par Maud Pierron
Comment analysez-vous la sortie de Marine Le Pen ce week-end, comparant la présence musulmane en France à l’Occupation?
C’est évidemment un signal en interne, tactique, mais pas seulement. On aurait tort de penser qu’elle ne dit ses propos que dans le cadre de son duel avec Bruno Gollnisch, elle les dit simplement parce qu’elle les pense. C’est vraiment extraordinaire avec ce parti: beaucoup de gens pensent que ce ne sont que des dérapages tactiques ou une tactique de dédiabolisation, mais ce type de propos est profondément ancré dans le mouvement. Sur le plan de l’identité et de l’Islam, Marine Le Pen ne se distingue pas de la ligne du FN, où l’on n’accepte toujours pas qu’on puisse devenir Français par un acte de volonté. C’est cohérent avec ce que pense le socle de l’électorat frontiste. Elle pense aussi pouvoir parler à la droite de la droite, ceux qui pensent que le gouvernement n’est pas allé assez loin sur le débat sur l’identité nationale par exemple.
Ces déclarations n’actent donc pas la «dédiabolisation» du FN engagé par Marine Le Pen?
Mais sur quoi se base-t-on pour parler de «dédiabolisation»ou «dé-ghettoïsation»? Objectivement, on peut dire qu’elle est différente de son père, plus avenante, qu’elle sait débattre, qu’elle est moins brutale mais seulement dans la manière d’aborder les choses. Mais encore une fois, elle ne s’est jamais écartée de la ligne du parti sur aucun sujet, sauf celui de la Seconde Guerre mondiale, le nazisme et la Shoah. Je ne pense pas qu’elle soit antisémite ou négationniste, mais ça ne suffit pas pour «déghettoïser» le FN.
L’entourage de Marine Le Pen se félicite de cette polémique…
Marine Le Pen peut se féliciter: ça lui fait occuper l’espace médiatique, ça la place un peu plus sur orbite pour la campagne, ça lui permet une nouvelle fois de développer ses thèses. Il faut rester prudent dans les commentaires sur ces propos.
D’après vous, Marine Le Pen est toujours en campagne interne ou elle est lancée sur 2012?
Tant que le résultat des votes ne sera pas connu, elle est toujours en campagne interne. Entre Bruno Gollnisch et Marine Le Pen, ce n’est pas plié. Je la donne toujours gagnante, mais ce qui sera important, c’est le rapport de force interne. Gagner avec 55% des voix contre 45%, cela ne permet pas de faire les mêmes choses que si on gagne avec 70% contre 30%. Il ne faut pas oublier que c’est un vote militant et que ces militants n’ont rien à voir avec les sympathisants. Ils font acte de militer pour le parti le plus ostracisé du paysage politique français, c’est un acte volontaire qui peut avoir des répercussions au travail, dans son village… Ce ne sera pas une victoire par K.-O. pour Marine Le Pen.
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