Karachi: Alain Juppé ne s'opposera pas à la déclassification de documents
POLITIQUE•Le gouvernement serait prêt à laisser les magistrats enquêter à leur guise...© 2010 AFP
Une nouvelle journée chargée en réactions liées au «Karachigate». Alors que Dominique de Villepin doit être auditionné mercredi, Alain Juppé a réaffirmé ce mardi que le ministère de la Défense ne s'opposerait pas à une déclassification de documents réclamés par les juges d'instruction chargés du dossier de l'attentat de Karachi, dès lors que la commission sur le secret défense aurait émis un avis favorable.
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Une semaine après son retour au gouvernement, le ministre de la Défense est sous le feu de l'opposition et des parties civiles qui réclament la vérité sur les conditions dans lesquelles onze Français ont été tués en 2002 à Karachi au Pakistan. «Je n'ai rien à cacher dans cette affaire et ne souhaite qu'une seule chose, c'est la manifestation de la vérité», a-t-il martelé lors de la séance des questions à l'Assemblée nationale.
Alain Juppé a reçu une lettre de Marc Trévidic
«Les documents qui pourraient intéresser les juges» seront «déclassifiés» après avis de la commission consultative, a-t-il poursuivi. Une décision, a-t-il dit, qui «s'applique à tous les juges d'instruction et à toutes les demandes». Alain Juppé, qui a reçu ce mardi une lettre du juge chargé de l'enquête sur l'attentat, Marc Trévidic, s'est notamment engagé à lui communiquer «toutes les pièces demandées», toujours après consultation de la commission.
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Le magistrat réclame en particulier des documents qu'il n'a pas obtenus lors d'une précédente demande en mai, relatifs notamment à l'arrêt du paiement des commissions sur la vente des sous-marins Agosta au Pakistan. Cible des familles des victimes de l'attentat, qui demandent son audition comme témoin, Alain Juppé, numéro deux du nouveau gouvernement, s'est par ailleurs déclaré prêt, «comme tout citoyen», à répondre à une éventuelle convocation du juge. Une convocation qui, dans le cas d'un membre du gouvernement, nécessite l'accord du Conseil des ministres.
«Les magistrats instructeurs instruisent ce dossier librement»
Sur le fond du dossier, Alain Juppé a répété qu'il n'avait «jamais» entendu parler de «rétrocommissions» liées à des ventes d'armes au Pakistan lorsqu'il était Premier ministre. «J'ai dit ce que je savais, c'est très clair. En 1995, après avoir été nommé Premier ministre, le président de la République m'a indiqué qu'il avait, après enquête du ministre de la Défense, donné pour instruction de suspendre le versement de commissions. C'est ce que je sais», a-t-il souligné mardi.
Envoyé suppléer son collègue de la Défense, le ministre de la Justice, Michel Mercier, a soutenu devant les députés que «les magistrats instructeurs instruisent ce dossier librement» et que «le gouvernement veillera à leur fournir l'ensemble des informations qui sont en sa possession». Mardi, le président UMP de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, a par ailleurs annoncé qu'il n'y aurait pas de nouvelle mission d'information parlementaire sur l'attentat de Karachi, comme le réclamaient les députés socialistes, en raison notamment de procédures judiciaires en cours.
«Une entrave organisée» par le gouvernement
Le rapporteur PS de la mission, Bernard Cazeneuve, a aussitôt dénoncé «une entrave organisée» par le gouvernement. Le juge Renaud van Ruymbeke qui enquête sur le volet financier de l'affaire, s'est pour sa part rendu le 20 octobre à Bercy où il s'est vu remettre des documents relatifs au paiement des commissions dans le contrat de vente des sous-marins au Pakistan.
Les enquêteurs soupçonnent qu'une partie de ces commissions est revenue en France - «rétrocommissions» - pour financer la campagne présidentielle d'Edouard Balladur, dont Nicolas Sarkozy était le porte-parole, en 1995. En ouvrant le congrès des maires de France, le chef de l'Etat a évoqué le sujet, tout en allusions: «Je veux dire à tous ceux qui nous regardent, y compris le système médiatique: respectez donc ceux qui ont le courage de se présenter devant le suffrage universel».