POLITIQUERéforme des retraites: bataille autour du règlement de l'Assemblée

Réforme des retraites: bataille autour du règlement de l'Assemblée

POLITIQUEOpposition et majorité se sont affrontés sur un point précis...
Catherine Fournier

Catherine Fournier

Petit alinéa pour grosse discorde. Opposition et majorité se sont écharpés dans l’hémicycle à l'issue de l’examen du projet de loi sur les retraites. L’alinéa en question figure dans le nouveau règlement de l’Assemblée nationale de décembre 2009, issu de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Il prévoit que «chaque député peut prendre la parole, à l’issue du vote du dernier article du texte en discussion, pour une explication de vote personnelle de cinq minutes». Une sorte de temps additionnel, qui n’est pas décompté du temps global réparti entre les groupes.

Une possibilité qui n’a pas échappé aux députés de l’opposition, qui l’ont exploitée pour la première fois à cette échelle. Au total, 166 élus s’étaient inscrits pour bénéficier de l’alinéa 13. Une opération soigneusement préparée à l’avance. «On avait appelé, mardi, tout le monde pour que tous les députés soient joignables à telle ou telle plage horaire, tout au long de la nuit et de la matinée pour intervenir à la tribune» de l'Assemblée, a expliqué Bruno Le Roux, porte-parole des députés socialistes. Objectif: retarder le vote solennel du texte, qui devait intervenir ce jeudi à 15h.

Une possibilité introduite par un député UMP

Sauf que Bernard Accoyer a décidé tout bonnement de mettre fin à ces explications de vote personnelles, suspendant la séance ce mercredi matin dans la clameur des députés qui réclamaient sa démission. Le président UMP de l’Assemblée a estimé que la démarche de l’opposition ne visait qu’à faire obstruction au débat parlementaire.

Volant à son secours, le patron des députés UMP, Jean-François Copé a expliqué que cette nouvelle disposition du règlement introduite en 2009 à la demande du député UMP Thierry Mariani devait «permettre aux députés qui ne sont pas d'accord avec leur groupe de prendre la parole». Ou qui n’ont pas eu le temps de s’exprimer, le temps de parole de leur groupe étant dépassé, précise-t-on à l’Assemblée. Or, la majorité estime que l’opposition a disposé de tout le temps nécessaire pour débattre du texte. «Je constate que, depuis le début de ce débat, l'opposition a eu au total 32 heures pour exprimer son point de vue et apporter éventuellement ses propositions, quand il y en a, et ça représente 60% du temps de discussion qu'il y a eu à l'Assemblée nationale sur les retraites» (lire encadré), a relevé Luc Chatel en rendant compte des travaux du Conseil des ministres.

«Tout est question d’interprétation»

Reste que Daniel Garrigue, le député non inscrit de Dordogne qui a eu droit à ses cinq minutes… après le vote, a reproché à Bernard Accoyer de préjuger «à l’avance de la position des députés». Bernard Accoyer avait en effet justifié la suspension de séance ce mercredi matin par le fait que les députés exprimaient tous le même avis lors de leurs questions personnelles. «Vous êtes sortis du domaine du droit, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, vous êtes entrés dans le domaine de l'arbitraire», a lancé Daniel Garrigue.

Les motifs qui permettent de justifier le recours aux questions de vote personnelle ne figurent pas, en effet, dans le texte du règlement. «Tout est question d’interprétation», ajoute-t-on au Palais Bourbon.

Va-t-il falloir modifier le dit règlement? Si telle était l’intention du bureau de l’Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel aurait en tout cas son mot à dire. Les députés PS ne sont «pas encore habitués à ce règlement», s’est contenté de souligner Bernard Accoyer ce mercredi matin devant la presse.

Temps de parole
Il est désormais fixé à l’avance par la conférence des présidents de l’Assemblée nationale. Pour la réforme des retraites, «un texte d’exception», 50 heures au total avaient été fixées, amendements compris. Conformément au nouveau règlement, l’opposition dispose d’un temps de parole plus long. 19h50 avait été accordées au groupe SRC (Socialiste, radical, citoyen et divers gauche), 14h55 à l’UMP, 8h35 au groupe GDR (Communistes, Verts, Républicains et Ultra Marins), 6h40 au Nouveau centre et 1h10 aux non inscrits.