A vous de juger: un dialogue de sourds autour de la réforme des retraites
POLITIQUE•François Fillon et Ségolène Royal ont tous les deux fait de la pédagogie pour expliquer leurs positions...O.R.
Ils avaient refusé le débat. Du coup, les différents intervenants sont restés campés sur leurs positions, malgré les questions d’Arlette Chabot et de Jean Boissonnat, pendant l’émission «A vous de juger», consacrée ce jeudi soir à la réforme des retraites. C’est tout d’abord François Fillon qui a pris la parole, martelant pendant sa demi-heure d’intervention la nécessité de repousser l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans, comme le prône Nicolas Sarkozy.
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François Fillon a d'ailleurs réaffirmé que le véritable chef d'orchestre de la réforme était le chef de l'Etat, tout en renouvelant son soutien au ministre du Travail, Eric Woerth, qui n'a «pas commis de faute» dans l'affaire Bettencourt. Entouré de plusieurs membres du gouvernement, dont Christine Lagarde et Xavier Bertrand, il a mis en avant l’unité de la majorité dans cette réforme.
Opération pédagogie
Opération pédagogie pour le Premier ministre, bien décidé à rallier les Français à sa réforme, malgré les 1,125 à 3 millions de manifestants, mardi. «La réforme que nous proposons, elle est très raisonnable, elle s'inscrit dans une continuité après celle de 1993 et celle de 2003», qu'il avait lui-même conduite, a-t-il expliqué.
Face à ces déclarations, Bernard Thibault et François Chérèque n’ont pu que dodeliner de la tête en signe de désaccord, avant de dénoncer un discours qui n’avait «rien de nouveau». Le leader de la CGT a évoqué une «publicité mensongère» du Premier ministre, qui n’a eu de cesse de comparer la situation française en matière de retraites à celle de ses voisins. Et selon les syndicalistes, François Fillon ne semblait pas lui-même «convaincu» par les arguments du gouvernement.
«Les fonds de pension auront gagné»
Pour le PS, c’est Ségolène Royal qui est venue sur le plateau, pour dénoncer une réforme qui est pour elle «celle du Medef» et surtout, rejetter l'idée de François Fillon selon laquelle il faut absolument repousser l'âge légal de départ. Pour la présidente de la région Poitou-Charentes, le projet du gouvernement est inégalitaire. «Les banques, les assurances, les fonds de pension attendent de faire main basse sur ce pactole et que les Français fuient vers le privé, car ils s'inquiètent pour leurs retraites, estime-t-elle. Si on accepte la réforme de la droite, les fonds de pension auront gagné.»
Elle en a profité pour détailler le projet socialiste en termes de réforme des retraites, affirmant «solennellement» qu’en 2012, si le PS revient au pouvoir, l’âge légal de départ à la retraite serait remis à 60 ans, même si la durée de cotisation, elle, devrait être rallongée.
L’ancienne candidate du PS à la présidentielle de 2007 a également dénoncé le manque de prise en compte de la pénibilité du travail par François Fillon. Travail de nuit, exposition à des produits chimiques, port de lourdes charges... «Ce que François Fillon a prévu, c'est le handicap au moment du départ à la retraite. L'exposition à des produits cancérigènes, le travail de nuit, ça c'est la prise en compte de la pénibilité qui se déclenche bien après qu'on ait pris sa retraite», explique-t-elle. Un argumentaire qui n'a -sans surprise-pas convaincu Eric Woerth, qui a pris la parole un peu plus tard, en direct de l'Assemblée nationale, où il participait aux débats.
Ce jeudi soir, pas de débat, pas de dialogue, chacun reste droit dans ses bottes. Le mot de la fin sera pour Eric Woerth, qui clot toute vélléité d'échange social: «l'heure est au débat parlementaire», autrement dit, la concertation, c'est fini.