Daniel Cohn-Bendit: «Europe Ecologie doit apprendre à vivre sans moi»
INTERVIEW•L'eurodéputé qui semble en retrait aux journées d'été d'Europe Ecologie a répondu aux questions de 20minutes.fr...A Nantes, propos recueillis par Maud Pierron
De notre envoyée spéciale à Nantes
Vous dites que vous ne voulez pas vous occuper de l’organisation ni de la construction du futur mouvement écologique, mais n’est-ce pas le meilleur moyen de laisser la voie libre aux Verts?
C’est une inquiétude qu’ont certains. Mais il y en a d’autres qui peuvent s’en occuper, comme Jean-Paul Besset, Yannick Jadot ou Pascal Durand, qui sont majeurs et vaccinés. Je dis simplement que ce n’est pas ma culture de marchander, de négocier des postes. Moi, je ne veux pas de postes. Culturellement, il y a des choses que je ne comprends pas. Les Verts sont des malades de l’organisation. Quand on dit: «ok on fusionne, mais le secrétariat national va à Duflot», je ne comprends pas. Dans toute l’Europe, les partis verts fonctionnent avec une co-direction. Imaginez si moi, j’avais dit, «je veux être seul à la tête des Verts»: ça aurait provoqué un tollé...
Mais votre avantage, c’est que votre voix porte médiatiquement. N’y a-t-il pas un risque tout de même à abandonner ce terrain?
Bien sûr qu’il y a un risque. Je le prends. De toute façon, Europe Ecologie doit apprendre à vivre sans moi. D’autres choses m’attendent au niveau de l’Europe (on parle de lui pour prendre la présidence du parlement européen, Ndlr). Il faut que les gens s’impliquent, prennent leurs responsabilités.
Vous en avez marre de «faire le zorro», comme vous l’avez dit jeudi?
Le truc, c’est qu’on dit: «Dany, on a besoin de tes idées.» Mais dès que j’ai une idée qui n’est pas «vert correcte», c’est le bordel. Par rapport à l’atelier sur le sport où je voulais inviter Rama Yade, ça a provoqué un bordel. Mais c’est un épiphénomène, ça aurait été drôle et les gens se seraient dit: «Tiens, ils parlent de la même chose que nous.» Mais tout est figé dans le politiquement correct. Je prends mon indépendance, je dis ce que je pense, ça plait, ça plait pas.
Y a-t-il des tabous à faire tomber chez les écologistes?
Le tabou à faire tomber, c’est la ligne anticapitaliste. Il faut affirmer que la «ligne anticapitaliste», aujourd’hui, ça ne veut rien dire. On peut parler de transformation écologique de la société, mais on a besoin d’entreprises qui la prennent en charge. Toute réduction de la réalité par des slogans est néfaste à la politique. Il faut parler de la transition écologique et reprendre les débats qui agitent les sociétés pour y répondre, mais de manière différente. Y compris sur la sécurité, où il y a quelqu’un de très compétent sur le sujet chez les Verts, Stéphane Gatignon, le maire de Sevran.
Cécile Duflot parle de ticket avec Eva Joly en 2012, et ça ne vous emballe pas…
Mais attendez, ça ne veut rien dire! Si Cécile Duflot avait été candidate, que je me ramène et que je dis, «je fais un ticket avec Cécile», tout le monde me serait tombé dessus. On aurait dit: «il est fou». Eva Joly, c’est une candidature, seule. Bien sûr qu’elle sera entourée mais c’est sa candidature. Comme ils n’ont pas réussi à imposer Cécile, ils coupent une jambe à Eva pour mettre une jambe de Cécile. C’est quoi cette histoire?!
Comment l’idée d’Eva Joly s’est-elle imposée? Parce qu’elle peut représenter l’antisarkozysme?
Non, l’antisarkozysme, c’est négatif. Eva Joly, ce n’est pas que ça. Bien sûr, c’est le moment historique, il y a une recherche d’éthique et de responsabilité du bien commun qui traverse la société. Et Eva a une éthique en politique. Eva, elle représente, elle incarne l’idée d’Europe Ecologie.