Pierre Laurent sur le PCF: «On vient de changer d'époque en quelques années»
INTERVIEW•Le parti est à «un moment charnière», assure le futur secrétaire national du Parti communiste, qui demande de «l'audace» aux militants...Propos recueillis par Maud Pierron
Pierre Laurent doit prendre la succession de Marie-George Buffet lors du 35e congrès du Parti communiste français, qui se tient de ce vendredi à dimanche à La Défense. A 52 ans, l’ancien directeur de la rédaction de L’Humanité explique à 20minutes.fr comment il voit l’avenir de son parti, qui n’a recueilli qu’1,97% des voix à la dernière présidentielle.
Votre accession à la tête du PCF est programmée depuis un an et demi, qu’avez-vous appris pendant ce temps, dans l’ombre de Marie-George Buffet?
J’étais déjà membre du Comité national mais je n’étais pas impliqué dans la direction opérationnelle du parti. Pendant ces deux ans, j’ai compris l’ampleur des responsabilités qui m’attendent et appris à travailler de manière plus collective. J’aborde ce congrès avec beaucoup de combativité. On est dans une période de combats sociaux et politiques intenses, notamment avec la réforme des retraites. J’ai l’intention de m’engager de toutes mes forces, dès la première minute.
Votre père était un haut responsable du parti, à titre personnel, comment vivez-vous votre future promotion?
Avec fierté, évidemment. C’est un parti auquel je suis attaché, pour lequel j’ai longtemps milité. Je me sens une responsabilité forte, à la hauteur de ce que les militants investissent. Ma famille m’a évidemment transmis des valeurs auxquelles je suis attaché, comme la solidarité, pour autant, le communisme n’est pas génétique. Au contraire, mon histoire familiale m’a plutôt donné de la distance par rapport aux responsabilités. Quand on a eu un père responsable politique, ce n’est pas ce qu’on souhaite quand on est jeune. Mon accession à la tête du PCF est surtout le fruit de circonstances politiques.
Vous allez prendre les rênes du parti au moment où le Front de gauche se pérennise. Certains disent que le Parti communiste y perd son identité…
Je n’ai pas peur de la dynamique unitaire. Le Parti communiste n’est pas menacé de dissolution dans le Front de gauche. Cette union ne peut être que profitable. Il faut faire preuve d’audace, et surtout avoir des perspectives pour sortir de la crise.
Alors quel est l’enjeu de ce congrès?
Ce congrès va marquer une nouvelle étape dans le Front de gauche, avec les alliances pour les cantonales, les législatives et la présidentielle. Mais la question qui nous est désormais posée, c’est comment faire rentrer notre démarche dans une phase plus large. On veut créer une dynamique populaire en vue de la présidentielle. Pas seulement pour remplacer Nicolas Sarkozy, car ce n’est pas qu’une question d’homme ou de femme, mais une question de projet alternatif.
Comment passer à cette nouvelle phase?
Il faut mener un travail de terrain avec les citoyens et les syndicats, qui participeront à l’écriture du projet. Nous voulons que des dizaines de milliers de personnes portent des objectifs de transformations pendant la campagne présidentielle de 2012. Ce sera une bataille de contenu, une forme d’association populaire.
Avez-vous l’impression que le PCF est à un tournant?
Je n’aime pas le terme de «tournant» mais on est effectivement à un moment charnière. Au-delà de la question de l’alliance du Front de gauche. On vient de changer d’époque en quelques années, avec la crise profonde du capitalisme que nous vivons. Le parti communiste peut apporter des éléments de réponses pour penser un avenir débarrassé de la logique capitaliste. Pour cela, il faut que le parti se transforme. Il fait parti du paysage politique mais il ne s’agit pas d’entretenir un patrimoine. Il faut inventer le parti tourné vers les enjeux du 21e siècle ou alors on entretient l’histoire mais sans peser sur la vie politique.
Ne s’agit-il pas d’abord de survie pour le PCF, dont l’influence ne cesse de décroître?
Survie? Nous sommes une des quatre forces politiques principales, avec un tissu d’élus locaux et une présence de proximité. La force militante du parti s’est beaucoup renouvelée depuis 2005 (date du référendum sur le Traité constitutionnel européen). Nous avons 134.000 adhérents, dont 6.000 nouveaux tous les ans.