François Bayrou : Pourquoi la censure du gouvernement revient dans l’air du temps ?
SUR UN FIL•Par ses déclarations sur les retraites et son « immobilisme », François Bayrou se retrouve de nouveau sous la menace d’une motion de censureT.L.G.
L'essentiel
- François Bayrou a fêté ses 100 jours à Matignon dimanche dernier.
- Et le Premier ministre voit de nouveau resurgir le spectre d’une chute de son gouvernement.
- L’opposition reproche au maire de Pau sa « trahison » sur la réforme des retraites, les crispations autour de la programmation énergétique, et son immobilisme depuis son arrivée à Matignon.
François Bayrou n’en a pas fini avec la censure : alors qu’il a fêté ses 100 jours à Matignon dimanche dernier, le Premier ministre voit resurgir le spectre d’une chute de son gouvernement. De la gauche au Rassemblement national, les oppositions ont en effet de nouveau évoqué cette possibilité. Entre sa « trahison » sur la réforme des retraites, les crispations autour de la programmation énergétique et les accusations d’immobilisme au sein même du bloc central, sa position à Matignon se fragilise.
La « trahison » sur les retraites
Lors de sa déclaration de politique générale en janvier, François Bayrou avait promis un dialogue « sans totem ni tabou » à l’occasion d’un « conclave » avec les syndicats sur la réforme des retraites. Une annonce qui lui avait permis d’éviter le vote des socialistes sur la motion de censure. Mais le Premier ministre a finalement fait marche arrière, en envoyant balader tout retour à l’âge légal à 62 ans.
« Une trahison de la parole donnée », a pesté Olivier Faure. Le Premier ministre « commet une erreur s’il pense que nous ne pouvons plus le censurer », a prévenu le patron du PS. « Si l’ensemble des formations politiques de gauche prennent position pour la censure, alors oui, nous déposerons une motion de censure », a enfoncé lundi le coordinateur national de LFI, Manuel Bompard, sur France 2. Mais les socialistes devraient toutefois attendre la fin du conclave, prévu fin mai, pour se décider.
Le RN se chauffe sur l’énergie
La possibilité d’une censure est également revenue dans le discours du Rassemblement national. « Les lignes rouges sont connues : la situation sociale, avec le pouvoir d’achat et la réforme des retraites, la sécurité et la question migratoire. Sur ces trois sujets, s’il n’y a pas de décision ou des décisions qui aggravent la situation, alors on censurera », rappelle auprès de 20 Minutes Gaëtan Dussausaye, député RN des Vosges. Ces derniers jours, Marine Le Pen a durci le ton à propos d’une piste envisagée par le gouvernement de François Bayrou : faire passer par décret - potentiellement début avril - la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3), qui fixe des objectifs en matière de production et de consommation sur dix ans (2025-2035).
« Une véritable honte », a tancé la cheffe de file du RN, demandant un débat au Parlement. Un changement de ton que certains attribuent à l’issue du procès des assistants européens du RN, ce lundi, qui pourrait voir Marine Le Pen empêchée pour la présidentielle 2027. « On sait bien que le verdict aura un impact sur la stratégie du RN pour la censure », soupire un député du bloc central.
Une poussée de l’opinion
Ces prémices de censure coïncident aussi avec la dégradation de l’image de François Bayrou dans l’opinion. Un sondage Odoxa pour le Figaro, publié jeudi, estime que 74 % des Français sont insatisfaits de l’action du Premier ministre. Par ailleurs, 57 % des Français seraient favorables à l’adoption d’une motion renversant le gouvernement. Chez les sympathisants du RN, ils seraient même 68 % à souhaiter la chute de François Bayrou dans les prochaines semaines, contre 84 % chez les sympathisants LFI, 69 % chez les écologistes, et 58 % chez les socialistes.
Un immobilisme dénoncé jusqu’au bloc central
« 100 jours, sans rien ! 100 jours que vous êtes en place et 100 jours qu’il ne se passe rien ! », a dénoncé mardi, lors des questions au gouvernement, la députée RN Edwige Diaz. Un immobilisme critiqué également jusqu’au sein du bloc central. « Il ne peut pas y avoir de grandes réformes d’ici la fin du quinquennat en 2027. La France risque le surplace », s’inquiète auprès de 20 Minutes Eric Pauget, député LR. Ce procès en attentisme est également alimenté par le chef de la droite à l’Assemblée, Laurent Wauquiez : le candidat à la présidence LR agite la menace d’une démission des ministres de son mouvement. De quoi affaiblir encore un peu plus le Premier ministre, également empêtré dans l’affaire Bétharram depuis plusieurs semaines.
Mais face à ce début de tempête, François Bayrou a publié samedi dernier une lettre aux présidents des groupes parlementaires. Il y précise son « programme de travail » pour « les semaines à venir » dans les domaines de l’éducation, l’accès aux soins, « la lutte contre la bureaucratie ». Une manière de montrer qu’il se voit bel et bien rester encore à Matignon.