Violences sexistes et sexuelles « Le PS veut passer un cap dans sa transition féministe en formant ses candidats »
Interview•En plein procès des viols de Mazan, le PS rend obligatoire une formation aux VSS pour ses cadres et ses candidats. Yasmine El Jaï, en charge au Parti socialiste de la formation en interne à l’égalité femme-homme, détaille cette formationPropos recueillis par Xavier Regnier
L'essentiel
- Le Parti socialiste a adopté mardi soir une résolution obligeant tout membre des instances nationales du parti et tout candidat à une élection au nom du PS à suivre une formation aux violences sexuelles et sexistes.
- Cette décision arrive au beau milieu du procès de l’affaire Pelicot et quelques jours après l’exclusion par LFI du député Hugo Prévost, accusé de « faits graves à caractère sexuel ».
- Yasmine El Jaï, en charge au PS de la formation en interne à l’égalité femme-homme, a répondu aux questions de 20 Minutes sur cette initiative.
Déjà adepte de la transition écologique, le PS continue sa mue en s’engageant dans une « transition féministe ». Le parti à la rose s’est engagé mardi à rendre obligatoire une formation sur les violences sexistes et sexuelles (VSS) pour tout membre d’une instance nationale du parti, ainsi que pour tout candidat à une élection sous son étiquette.
Une décision qui intervient quelques jours après l’exclusion du député Hugo Prevost, impliqué dans une affaire de « faits graves à caractère sexuel », de la France insoumise. Mais la résolution socialiste « n’est pas liée à cette affaire » et était en discussion « depuis près d’un an », assure Yasmine El Jaï, en charge au PS de la formation en interne à l’égalité femme-homme, avec qui 20 Minutes s’est entretenue.
Vous annoncez un grand plan de formation aux VSS au sein du parti. Concrètement, qui sera formé ?
Il y a plusieurs groupes qui sont identifiés. D’abord, on s’engage à former tous les candidats aux élections. Sauf nouvelle dissolution, on vise les municipales de 2026, ce qui donne un peu de temps, mais on avait déjà proposé une formation non obligatoire aux candidats des européennes. Pour les cadres de la direction nationale, on veut mettre en œuvre en 2025 un changement de règlement intérieur pour former systématiquement toute personne qui intègre les instances à l’issue d’un congrès. Rien que sur le conseil national du PS, ça représente environ 300 personnes. Enfin, on veut la proposer aux nouveaux adhérents, et il y en a eu beaucoup avec la dernière séquence électorale, en visio d’ici la fin de l’année, sans que ça ait un caractère obligatoire.
Comment avez-vous conçu cette formation ?
La formation a été construite par le réseau de formateurs du PS. On forme nos militants déjà sur de nombreux sujets à l’occasion des campagnes électorales. Et il y a parmi les formateurs des spécialistes du sujet, qui travaillent dans le secteur de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
A quoi ressemble cette formation aux VSS ?
C’est une formation qui dure environ deux heures en présentiel, parfois un peu moins. Elle est articulée en trois parties. D’abord, une définition du sexisme et des VSS, avec des chiffres, on fait le point sur les types de violence. Ensuite un quiz avec des situations réelles, des injures aux violences sexuelles, qui nous ont été remontées par des militantes. Et enfin un point sur comment lutter en interne et les outils mis en place par le parti, comme la cellule d’écoute et la commission de discipline.
Proposer une formation sur les VSS en 2024, est-ce que le PS n’était pas en retard sur ce sujet ?
La formation existe depuis 2019 et se diffusait dans un certain nombre de départements. Mais on veut passer un cap dans notre transition féministe en formant nos cadres et nos candidats. Un certain nombre de fédérations ont déjà accueilli la formation, comme La Rochelle et Blois à l’occasion des Congrès, ou Paris, Toulouse, Nantes et Grenoble.
L’idée de former largement était dans une réflexion depuis MeToo, mais avant de rendre ce sujet visible et de faire comprendre aux dirigeants que ce n’est pas un sujet annexe, ça prend du temps. L’actualité nous a un peu aidés avec le procès Mazan. Il faut du temps pour prendre conscience qu’on est sur un sujet systémique, dans lequel nous aussi on peut faire perdurer des préjugés inconsciemment. Mais ce temps n’est pas spécifique au PS.
Vous parlez du procès des viols de Mazan, il y a aussi l’exclusion du député Hugo Prévost…
Oui, mais on ne réagit pas à cette actualité avec la résolution. C’était prêt depuis un an, mais en plein milieu d’une campagne électorale, ça n’aurait pas eu le même écho. On a quand même échangé avec nos camarades de Place publique lors des européennes, ils étaient preneurs de ces formations et vont les faire à leur tour. C’est vrai que ça a pris trop de temps, mais on part de loin. Il y avait beaucoup de réticences, c’est un ensemble de choses qui font que les gens sont prêts à s’engager dans cette transition féministe.
C’est donc toute la sphère politique qui est en retard sur ce sujet de société ?
Sur la société, je ne sais pas, la sphère politique en est plutôt le reflet. Mais par rapport aux associations féministes et aux institutions qui font face tous les jours aux victimes, oui, il y a un retard. Parce qu’il faut se regarder dans la glace et accepter qu’on fasse partie du système. C’est une question de domination, on le voit avec les réticences sur l’IVG, on est dans un monde patriarcal. Il est temps de former tout le monde pour avoir une prise de conscience plus large, parce que l’actualité des violences sexistes et sexuelles ne s’arrêtera pas comme ça.
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