faiseur de roiLa menace de censure, une main royale pour le RN

Gouvernement Barnier : Le RN entend bien rester au centre du jeu avec sa menace de censure

faiseur de roiLe Rassemblement national a présenté ce mercredi les textes de sa niche parlementaire, tout en maintenant la pression sur le gouvernement Barnier
Marine Le Pen.
Marine Le Pen.  - J.E.E/SIPA
Thibaut Le Gal

Thibaut Le Gal

L'essentiel

  • Le Rassemblement national a présenté ce mercredi les mesures de sa niche parlementaire, prévue le 31 octobre.
  • Depuis la rentrée, le RN cultive son statut de « groupe pivot », qui peut faire tomber le gouvernement Barnier en s’alliant à une censure de la gauche.
  • Un couac gouvernemental a d’ailleurs rappelé cette semaine que le gouvernement Barnier tenait à un fil, renforçant l’image du parti de Marine Le Pen.

A l’Assemblée nationale,

Ils sont arrivés tout sourire avec des fiches sous le bras. Une poignée de députés Rassemblement national est venue présenter, ce mercredi matin en conférence de presse à l’Assemblée nationale, les propositions de loi de leur niche parlementaire, prévue le 31 octobre.

« Ce sont des mesures consensuelles […] Je ne vois pas comment le gouvernement pourrait s’y opposer… ». Au micro, Jean-Philippe Tanguy, le député de la Somme, prend un malin plaisir à maintenir la pression sur Michel Barnier et ses ministres. Le groupe de Marine Le Pen, qui pourrait faire tomber le gouvernement en cas de motion de censure déposée par la gauche, entend bien « peser » sur l’action gouvernementale des prochains mois.

« Epreuve du feu » pour le gouvernement Barnier

Cela passe notamment par sa niche parlementaire, qui lui permet de proposer ses propres textes dans l’Hémicycle. Comme c’est son habitude, le RN l’a truffée de pièges. Une abrogation de la controversée réforme des retraites - que la gauche aura bien du mal à justifier de ne pas voter –, mais surtout plusieurs mesures régaliennes : l’assouplissement des conditions d’expulsion des étrangers représentant une menace grave et l’instauration de peines planchers pour certains crimes et délits. Ces mesures, issues du programme législatif porté par Jordan Bardella, ont aussi été défendues ces dernières années par la droite, dont un certain Michel Barnier, et par l’aile droite du camp présidentiel.

« Je ne vois pas d’argument [pour s’y opposer], ni de monsieur Retailleau, ni de monsieur Barnier […] Il est vrai qu’après le discours de politique générale et le budget, ce sera la troisième épreuve du feu pour le gouvernement, pour mettre en concorde ses paroles et sa façon de gouverner », a tancé Jean-Philippe Tanguy.

L’objectif du RN : obtenir (enfin) un succès législatif, en contraignant la coalition présidentielle à voter l’un de ses textes. D’autant que les sujets sécuritaires et migratoires ont été relancés en cette rentrée par le meurtre de Philippine dans le bois de Boulogne. « Avec nos mesures, on fait écho à ce qu’a souhaité le ministre de l’Intérieur lors de sa prise de poste : rétablir l’ordre, rétablir l’ordre, rétablir l’ordre… », ironise Edwige Diaz, la députée de Gironde, en reprenant la formule de Bruno Retailleau.

Michel Barnier rassure Marine Le Pen

Avec cette stratégie, le parti de Jordan Bardella, qui a échoué à prendre le pouvoir cet été, souhaite donc rester au centre du jeu. D’autant que le procès des assistants au Parlement européen, qui démarre lundi, va polluer les prochaines semaines. Et le RN a reçu de la part de Michel Barnier un inattendu coup de main… ou plutôt coup de fil. Mardi matin, le nouveau ministre de l’Economie, Antoine Armand, avait balayé l’idée de recevoir le RN pour préparer le budget, estimant qu’il ne faisait pas partie de « l’arc républicain ».

Dans la foulée, une Marine Le Pen très agacée prenait la parole à l’Assemblée : « Le Premier ministre doit aller expliquer à l’ensemble de ses ministres quelle est la philosophie de son gouvernement, car il semblerait que certains n’aient pas encore totalement compris ». Une manière de rappeler que son camp - fort d’un contingent de 142 députés avec les alliés ciottistes - pouvait faire tomber le gouvernement à tout moment avec la gauche. Le message était vite entendu : Michel Barnier recadrait son ministre, qui rétropédalait par communiqué. Le Premier ministre décrochait même son téléphone pour arrondir les angles avec Marine Le Pen.

La censure, pas pour tout de suite

L’initiative a été critiquée par la gauche et par une partie du camp présidentiel, qui a dénoncé une « faute » du Premier ministre. D’autant qu’au RN, ce mercredi, on se gargarise de tant d’attention. « Michel Barnier a compris qu’il était préférable de clarifier la situation. L’incident est clos, mais on ne l’oublie pas », souffle Thomas Ménagé, député du Loiret. Le parti à la flamme ne pouvait espérer meilleur exemple pour illustrer son rôle d’arbitre de l’action gouvernementale.

« Oui, on a un poids très important sur ce gouvernement. On est un groupe pivot. Ça a un impact », ajoute-t-il. Et s’il était trop déçu à l’issue de la niche parlementaire, le RN pourrait-il voter une motion de censure ? « On n’est pas des gamins, on ne fait pas tomber un gouvernement qui ne nous fait pas plaisir sur une journée », balaie Thomas Ménagé. Une manière de se distinguer de La France insoumise, qui a déjà annoncé vouloir censurer à tout prix le gouvernement. Peut-être que le RN souhaite aussi garder le plus longtemps possible, dans sa besace, cette arme couperet. En attendant juin et une prochaine dissolution ?