Sortant de son silence trois jours après le second tour des élections législatives anticipées, le président de la République s’est adressé ce mercredi aux Français dans une lettre publiée par la presse quotidienne régionale. Emmanuel Macron y assure que non seulement « personne ne l’a emporté » dimanche, selon lui, mais qu’il faut aussi « inventer une nouvelle culture politique » face à la coexistence inédite de trois blocs dans l’hémicycle : le Nouveau Front populaire, le bloc macroniste et le Rassemblement national.

Le chef de l’Etat, en déplacement à Washington pour un sommet de l’Otan, demande ainsi à « l’ensemble des forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines, l’Etat de droit, le parlementarisme, une orientation européenne et la défense de l’indépendance française, d’engager un dialogue sincère et loyal pour bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle, pour le pays ».

Toutes ces tractations prendront « un peu de temps »

Emmanuel Macron espère voir se former « un projet pragmatique et lisible » et exhorte les partis à « concrétiser par les actes » le front républicain qui a permis de contrer le RN, arrivé troisième dimanche soir avec 143 députés en comptant ses alliés. Mais toutes ces tractations prendront « un peu de temps », une période à l’issue de laquelle Emmanuel Macron « décidera de la nomination du Premier ministre ».

Pourtant, « en vingt minutes, (Emmanuel Macron) a tiré les conclusions des élections européennes en disant qu’il allait dissoudre », avait ironisé la veille un ministre, cité par l’AFP. « Il faut qu’il parle, sinon la gauche va proposer un nom raisonnable pour Matignon et va nous piéger », s’inquiétait un autre député du parti présidentiel Renaissance. « Quand il faut qu’il ferme sa gueule, il parle, et quand il faut qu’il parle, il se tait », avait lancé second mardi matin lors de la réunion du groupe présidentiel, selon une participante.

Emmanuel Macron aurait-il dû s’exprimer plus tôt ? « Il choisira le bon moment », répondait mardi Edouard Philippe. « Je ne vais pas lui dire quand s’exprimer. En général, quand je lui donne un conseil, il fait l’inverse. Je vais avoir l’humilité de ne pas me mettre à sa place », avait ajouté le président du parti Horizons, membre de la coalition présidentielle sortante.

« Il doit s’incliner »

Cette prise de parole décisive intervient au moment où le camp présidentiel se démultiplie à l’Assemblée nationale pour dégager une majorité. Sacha Houlié, marcheur de la première heure et ex-président de la commission des lois, a d’ailleurs annoncé qu’il ne « siégera pas » au groupe Renaissance, préférant tenter de créer un groupe « qui aille de la droite sociale à la gauche socialiste ».

Peu de temps après la publication de cette lettre, Jean-Luc Mélenchon a fustigé Emmanuel Macron qui, selon lui, « refuse de reconnaître le résultat des urnes qui a placé le Nouveau Front Populaire en tête » et « prétend donner du temps pour former une autre coalition par magouilles après les élections ». « Il doit s’incliner », a encore exhorté le leader insoumis.